Dans une interview accordée à guineepanorama.com ce lundi, 05 août 2024, Mamoudou DIALLO, journaliste sportif à la RTG (Radio Télévision Diffusion guiné), revient sur « le bilan mitigé » de Kaba DIAWARA à la tête du Syli national de Guinée. Entre échecs répétés et quelques succès notables, la gestion de l’équipe par DIAWARA soulève de nombreuses questions. Son limogeage, selon Mamoudou DIALLO, apparaît non seulement justifié mais aussi nécessaire pour redonner espoir aux supporters guinéens. Il récuse le comité directoire mis en place par la Fédération guinéenne de football (FGF). Le journaliste ne recommande au futur entraîneur que la bonne gestion de l’effectif du Syli qui regorge d’énormes talents.
Avec Saa Joseph KADOUNO
Guineepanorama.com : Comment évaluez-vous le bilan global de Kaba Diawara à la tête du Syli national, avec 17 défaites, 13 victoires, et 7 nuls sur 37 matchs ?
Un bilan très mitigé. Une trentaine de matchs joués, le nombre de défaites est plus élevé que celui des victoires. Ça veut dire que ce n’est pas bon signe, quelle que soit la capacité d’un entraîneur – l’ami d’un entraîneur c’est son résultat. Et, aujourd’hui, Kaba DIAWARA, il y a des points qui ne plaident pas en sa faveur. Il a eu tout le temps de mettre en place l’équipe qu’il a voulue mais le résultat ne vient pas. Quand c’est comme ça, je pense qu’il fallait tourner sa page. Vous avez vu sa dernière sortie face au Mozambique ! Après avoir battu l’Algérie, il est venu perdre facilement contre le Mozambique.
Quels ont été les points forts et les points faibles de son mandat selon vous ?
Il y a eu des points forts, il faut le reconnaître. C’est à son temps qu’on a connu la venue massive des joueurs binationaux tels que Serhou GUIRASSY, Mouctar DIAKHABY, Morgan GUILAVOGUI, même le petit Ibrahim DIAKITÉ. Beaucoup avaient tenté le même projet mais ça n’avait pas été facile, voire ça n’a pas marché. Lui, il est parvenu en un laps de temps à convaincre ces joueurs de rejoindre le Syli. Ce qui est une très bonne chose. Mais son problème dans tout ça, c’est comment gérer ces joueurs-là. Par exemple, dans le classement, dans les changements qu’il effectuait. Il ne connaissait pas encore la valeur intrinsèque de chaque joueur. Quand l’entraîneur n’a pas la mainmise sur l’effectif, c’est très dangereux. Si Kaba DIAWARA était un bon entraîneur, avec l’effectif qu’il a, rien ne pouvait empêcher la Guinée d’avoir le résultat qu’elle veut.
Pensez-vous que le limogeage de Kaba Diawara était justifié ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
De mon point de vue, je pense que son limogeage est bel et bien justifié. Non seulement il est entraîneur de l’équipe A et nous connaissons tous les résultats de cette équipe A. Il ne parvient pas à gagner. Rappelez-vous que depuis que Kaba DIAWARA est là, à part le match contre l’Éthiopie qui est considérée comme une équipe très faible, Kaba DIAWARA n’a jamais enchaîné deux résultats positifs de suite dans un match de football avec le Syli A. Et surtout ce qui justifie son limogeage, à mon avis, c’est le piège que la fédération lui a tendu et il est tombé dedans. Ce piège, c’est de prendre l’équipe espoir pour les JO de Paris 2024. À mon avis, il aurait dû laisser Morlaye CISSÉ continuer avec cette équipe. Mais il est venu, non seulement il a chamboulé l’équipe à 99%, les jeunes joueurs qui se sont battus pour cette équipe corps et âme – qui se sont qualifiés pour les matchs de barrages, lui, il vient au dernier moment, il passe par les manigances pour remplacer Morlaye CISSÉ, il est parti aux JO : trois matchs, trois défaites, six buts encaissés, un seul but marqué, zéro points pris sur neuf possibles. Cela a enfoncé son cas. Ça a permis à la fédération d’être outillée d’arguments pour le mettre à la porte. Donc ça a été une décision très sage de la part de la fédération de limoger Kaba qui ne parvenait pas à faire la fierté ou à produire le résultat que nous voulions pour notre équipe nationale de football.
Quelles circonstances ou résultats spécifiques auraient pu influencer cette décision de la FGF ?
La seule chose qui pouvait influencer cette décision, c’est si Kaba DIAWARA avait les résultats. Si l’équipe avait un résultat très satisfaisant, s’il était parvenu à se qualifier pour les demi-finales de la dernière CAN, et si l’équipe olympique avait au moins passé le premier cap, je pense que ça aurait été très compliqué pour la fédération de limoger Kaba DIAWARA. Sinon, après la CAN, on est tombé dans l’euphorie, on s’est dit : bon, on a fait une bonne prestation, même par moments, l’État a soutenu Kaba DIAWARA. La fédération voulait débarquer Kaba depuis après la CAN. Mais les spécialistes ont estimé que ce n’était pas du tout suffisant.
Comment ce changement pourrait-il affecter la dynamique et la performance future de l’équipe nationale guinéenne ?
Dans les conditions normales, ce changement d’entraîneur ne doit pas affecter la dynamique de fonctionnement de notre équipe nationale. Certes, la plupart des joueurs qui sont aujourd’hui dans cette équipe nationale sont venus sous l’ère Kaba DIAWARA, mais ils sont venus aussi pour la nation. Quand on joue pour une équipe nationale, on doit mettre la nation devant. On ne doit pas conditionner son retour en sélection à cause de la présence d’un entraîneur. Tout joueur qui tomberait dans cette situation, je dirai qu’il n’est pas encore prêt à jouer pour la nation, que ce joueur manque d’abord de patriotisme. La seule chose qui doit préoccuper un joueur professionnel, c’est sa convocation par le futur entraîneur qui sera là – l’essentiel c’est d’avoir un entraîneur-manager qui pourra rassembler tout le monde. Vous savez, au temps de Kaba DIAWARA, il y a des joueurs qui se sont retrouvés hors-jeu. C’est le cas de Mady CAMARA qui, depuis trois ans maintenant, n’est pas dans l’équipe pour des raisons que personne ne connaît. On espère qu’avec l’entraîneur qui va venir, il va pouvoir rassembler tous les joueurs pour construire une équipe compétitive pour la Guinée.
Qui pourrait être un bon candidat pour remplacer Kaba Diawara et pourquoi ?
La seule chose que la Fédération guinéenne de football devrait faire, c’est de lancer un appel à candidature pour recruter un entraîneur de très haut niveau. Depuis toujours, nous sommes dans cette situation d’entraîneur parce qu’on ne met pas de véritables moyens pour recruter un bon entraîneur. Pour avoir un entraîneur de très haut niveau, ce n’est pas les petits montants de 20, 25 000, voire 30 000 dollars qu’il faut dépenser. Aujourd’hui, les grands entraîneurs coûtent un maximum de 80 000 dollars. Je ne crois pas que cela soit une très bonne idée parce que moi je n’ai jamais vu ça dans un pays. À partir du moment où l’entraîneur principal a été limogé, ça doit être suivi par un communiqué qui lance un appel à candidature. Mais je ne sais pas ce que la fédération recherche en mettant en place un comité directoire, surtout composé d’entraîneurs qui n’ont jamais travaillé ensemble. Est-ce qu’ils pourront être d’accord sur les prises de décisions ? Est-ce qu’ils auront les mêmes visions pour le développement de notre football ? Vous parlez de Michel DUSSUYER qui est passé deux fois en Guinée pour des résultats qui n’ont souvent pas donné satisfaction, Charles PAQUILLE aussi qui était l’adjoint de Kaba DIAWARA et qui n’est pas trop connu du grand public sportif du football africain. Surtout derrière ça, on met Lappé BANGOURA pour superviser tout ce comité directoire, Lappé aussi qui a un passé très mauvais avec le Syli.
Quelle a été la stratégie de jeu principale sous Kaba DIAWARA ? Comment l’apprécierez-vous ?Comment a-t-elle évolué au cours de son mandat ?
Il a toujours essayé de mettre un schéma qui n’a jamais marché en Guinée : un système de 3-5-2. Même lors de la CAN 2021 au Cameroun, il a essayé d’évoluer avec ce schéma – à un moment donné, on a vu qu’il a abandonné mais on a vu qu’il est revenu avec le même schéma. Pour mettre en place un schéma comme ça, il faut avoir des défenseurs qui sont très compétents, très expérimentés et avoir des joueurs de pistons qui sont très, très rapides, qui peuvent accepter de souffrir dans le match. Vu qu’on n’a pas ces joueurs-là, je pense que cela a beaucoup fatigué Kaba DIAWARA dans son système de jeu. Par rapport à ce système, j’ai toujours dit que cela ne pouvait pas aider notre football à avancer. Mais Kaba s’est toujours entêté. Et surtout Kaba DIAWARA, ce que je n’ai pas aimé chez lui, un entraîneur qui n’a pas du tout aimé communiquer à la presse – toutes les listes que Kaba DIAWARA a publiées soit il le fait avec le journal télévisé de la RTG, ce qui n’est pas trop mauvais, mais la logique voudrait que quand vous faites une publication télévisée comme ça, le lendemain, vous organisiez un point de presse pour expliquer à l’opinion pourquoi le choix de tel ou tel joueur, pourquoi tel autre n’a pas été convoqué. Quand un entraîneur fait black-out à la presse, les conséquences sont très désastreuses. C’est ce qui est arrivé à Kaba DIAWARA. Même la liste pour les JO, il a complètement boudé la presse guinéenne. Il a pensé que cette presse était contre lui. Et c’est là qu’il s’est trompé. La presse aide plutôt l’entraîneur à mieux voir les choses pour pouvoir progresser.
Quels sont les objectifs réalistes pour le Syli national dans les compétitions futures avec un nouveau sélectionneur ?
C’est de revoir la façon de gérer l’effectif – si on a un bon entraîneur-manager qui peut très bien gérer cette équipe, à travers un schéma qui va s’adapter au rythme du jeu qu’il va imposer, je pense que ça va être une très bonne chose pour notre équipe qui, vraiment, à besoin de ce genre d’entraîneur – parce qu’aujourd’hui nous sommes dans des compétitions : les qualifis [qualifications] pour la coupe du monde et puis la CAN 2025 qui va arriver très vite.