« Leur procédé s’altère et se rapproche de plus en plus à la forme autoritaire ou plébiscite des constitutions qui ont vocation à s’imposer au peuple plutôt que l’associer à leur rédaction avant de l’approuver par référendum ».
Le débat sur la nouvelle constitution Guinée, rédigée dans le cadre de la transition actuelle, continue de faire des vagues. Lors d’une récente conférence de presse, Dr Dansa Kourouma, président du Conseil National de la Transition (CNT), a soutenu que cette constitution ne devait exclure aucun citoyen de la course à la présidence, insistant sur le fait qu’une constitution « ne personnalise pas ». Une position vivement critiquée par le juriste Kalil CAMARA, qui affirme que toute constitution issue d’une transition peut, au contraire, contenir des dispositions spécifiques visant à encadrer le pouvoir, citant l’exemple de la constitution de 2010.
Le président du Conseil national de la Transition (CNT), Dr Dansa KOUROUMA, a tenu une conférence de presse ce mercredi, 7 août 2024 à Conakry. Lors de cette rencontre avec la presse, il s’est prononcé sur les ambiguïtés liées à l’avant-projet de nouvelle constitution, qui laisse planer un doute sur la possibilité pour les membres du CNRD de se présenter à la future élection présidentielle, notamment avec l’introduction de la candidature indépendante dans le texte. Évasif sur la question, Dansa Kourouma a déclaré que « la constitution n’a pas vocation à exclure un citoyen prétendant à la magistrature suprême. La constitution ne personnalise pas, elle n’individualise pas, sinon elle devient une constitution taillée sur mesure. »
Réagissant à ces propos, le juriste Kalil CAMARA estime que le président du CNT ignore l’objet véritable d’une constitution. Selon lui, toutes les constitutions du monde ont une double vocation :
« 1. Poser les règles juridiques relatives au fonctionnement, à l’exercice, et à la dévolution du pouvoir politique dans l’État. C’est pourquoi l’on dit que la constitution est l’acte régulateur de l’État. Elle fixe les limites aux gouvernants pour faire barrage à l’abus de pouvoir.
2. Fixer les droits, devoirs et libertés des citoyens. C’est la constitution qui consacre les droits et libertés fondamentaux des citoyens pour prévenir leur violation.
Poursuivant son analyse, le juriste, également journaliste, rappelle à Dr Dansa KOUROUMA le précédent de 2010. Revenant à la première vocation consistant à encadrer les pouvoirs publics, toutes les règles garantissant une meilleure transmission du pouvoir politique peuvent être contenues dans une constitution. « C’est pour cette raison que toutes les constitutions issues d’une rupture constitutionnelle contiennent des dispositions transitoires. La constitution de 2010, issue de la transition, a bien personnalisé en son article 156. Dans son Alinéa 2, elle disposait que « le président de la République par intérim assumant la transition ne peut en aucune façon et sous quelque forme que ce soit modifier la constitution, le code électoral, la loi relative aux partis politiques, et la loi fixant le régime des associations et de la presse ». Cette disposition visait uniquement le président de la transition à l’époque, car le constituant avait estimé que la violation de ces éléments porterait atteinte à l’objectif recherché par la constitution et la transition. Après la transition, ces dispositions transitoires deviennent caduques. »
Kalil CAMARA conclut en critiquant la démarche actuelle : « Leur procédé s’altère et se rapproche de plus en plus de la forme autoritaire ou plébiscitaire des constitutions qui ont vocation à s’imposer au peuple, plutôt que de l’associer à leur rédaction avant de l’approuver par référendum. »
Mamadou Mouctar SYLLA