La Conférence des chefs d’État de la CEDEAO, réunie dimanche pour évaluer la situation politique dans ses États membres en transition, a pris une résolution particulière concernant la Guinée. Contrairement aux sanctions sévères imposées au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la Guinée semble bénéficier d’un traitement plus clément de la part de l’organisation régionale. Cette posture soulève des interrogations quant à une possible politique du « deux poids, deux mesures » qui a déjà provoqué la rupture entre la CEDEAO et certains pays membres, désormais regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
La transition guinéenne amorcée après le coup d’État du 5 septembre 2021 devrait s’achever en 2024, avec l’organisation de toutes les élections pour un retour à l’ordre constitutionnel. Toutefois, les autorités de la transition ont récemment annoncé un report de ce calendrier, affirmant que les élections auront lieu en 2025. Cette annonce marque un glissement du calendrier de la transition, similaire à ceux observés dans les autres pays en transition, particulièrement le Mali.
La CEDEAO, dans sa résolution, exhorte les autorités guinéennes à « poursuivre les actions en vue de la mise en œuvre de la feuille de route pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel, d’une manière inclusive et participative ». Plus que des injonctions, l’organisation adopte un ton conciliant, préférant accompagner la transition guinéenne plutôt que de la sanctionner.
Elle charge ainsi la Commission de la CEDEAO d’aider la Guinée à « mobiliser auprès des partenaires les ressources financières et techniques nécessaires pour faciliter le retour rapide à l’ordre constitutionnel ».
En outre, la Conférence annonce l’envoi d’une « mission de haut niveau en Guinée ». Cette dernière aura pour objectif d’échanger avec les autorités de la transition et les acteurs politiques sur les moyens d’accélérer la feuille de route tout en mobilisant les ressources nécessaires. Cette approche diplomatique tranche nettement avec la fermeté affichée par la CEDEAO à l’égard des régimes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
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Deux poids, deux mesures ?
La douceur avec laquelle la CEDEAO traite le dossier guinéen contraste avec les sanctions économiques, politiques et diplomatiques imposées à ses voisins sahéliens. Au Mali, par exemple, un embargo économique dévastateur a été décrété après le report des élections. Le Niger et le Burkina Faso ont subi des pressions similaires, ayant précipité la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), une coalition née du ressentiment envers la CEDEAO.
Cette différence de traitement soulève des interrogations quant à l’impartialité de l’organisation. Pourquoi la Guinée bénéficie-t-elle d’un accompagnement tandis que d’autres pays sont punis pour des manquements similaires ? Ce sentiment d’injustice a contribué à leur retrait de la CEDEAO qui fragilise aujourd’hui l’unité régionale.
Si la CEDEAO semble temporiser en Guinée, cette indulgence n’est pas exempte de calculs politiques. L’organisation semble vouloir éviter de nouvelles ruptures dans une région déjà marquée par des fractures profondes. En accompagnant la transition guinéenne, la CEDEAO espère sans doute préserver une certaine influence et maintenir un dialogue ouvert avec les autorités guinéennes.
Cependant, la pression reste palpable. Les engagements pris dans la feuille de route doivent être respectés, et la mission de haut niveau annoncée par la Conférence aura pour rôle de veiller à l’accélération du processus.
La rédaction