Dans un communiqué publié ce jeudi 19 décembre 2024, les avocats de l’ancien ministre de la Défense, Dr Mohamed DIANÉ, condamné par la CRIEF à cinq ans de prison pour détournement de fonds publics, enrichissement illicite et blanchiment, dénoncent une décision « injuste et dénuée de fondement juridique ». Ils qualifient le procès de « politique et expéditif », marqué par des violations des droits de la défense, et annoncent leur intention de faire appel.
A son audience du mercredi 18 décembre 2024, la Chambre de jugement de la CRIEF a rendu un jugement dans l’affaire Ministère public et l’Etat Guinéen, représenté par l’Agent judiciaire de l’Etat, contre Docteur Mohamed DIANE. Dans sa décision, la Chambre de jugement a condamné Dr. Mohamed DIANE à une peine de cinq (5) ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de cinq (5) milliards de Francs guinéens, pour des faits de détournement de deniers publics, enrichissement illicite et de blanchiment de capitaux. Dans la même décision, il a été condamné au paiement de cinq cent (500) milliards de Francs guinéens à titre de dommages et intérêts au profit de l’Etat Guinéen ainsi que la confiscation de ses biens.
En notre qualité de conseils de Docteur Mohamed DIANE, nous prenons acte de cette décision injuste, inéquitable et dénuée de tout fondement juridique.
Pour rappel, au regard des multiples violations des droits de la défense dès les premières heures de ce procès, les conseils que nous sommes avons décidé de suspendre notre participation à ce qui s’apparentait à une parodie de justice entretenue par certains acteurs du procès. En effet, cette décision de suspension du Collectif était motivée par le refus délibéré et assumé de l’Etat Guinéen, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat et le Parquet spécial près la CRIEF, d’exécuter l’Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/35/23 du 16 octobre 2023, rendu par la Cour de Justice de la CEDEAO, ordonnant la mise en liberté immédiate et sans conditions de Docteur DIANE et autres.
Face à cette rébellion, Docteur DIANE et ses conseils ont décidé de mettre la Chambre de jugement à l’épreuve en comparaissant devant celle-ci à l’audience du 09 octobre 2024, dans l’espoir qu’elle enjoigne au Parquet spécial de s’exécuter afin que le prévenu soit libre et organise sa défense avec ses conseils.
Malheureusement, la Chambre a fermé les yeux sur cette injustice flagrante. A partir de là, le Collectif a conclu que Docteur DIANE ne bénéficierait jamais des garanties d’un procès juste et équitable devant cette juridiction.
C’est dans ce contexte que l’affaire a été renvoyée pour réquisitions et plaidoiries des parties, notre client ayant décidé d’opter pour le silence tant que ses droits n’auraient pas été respectés.
Sur les fallacieuses accusations du ministère public et de l’Agent judiciaire de l’Etat ayant conduit à la décision entreprise, le Collectif porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale ce qui suit :
– Sur la condamnation de Docteur Mohamed DIANE pour détournement de deniers publics
Le Collectif rappelle que dans ce dossier, il n’y a aucun rapport d’inspection ne serait-ce que provisoire qui atteste qu’un seul franc aurait été détourné par Docteur Mohamed DIANE en sa qualité de Ministre de la Défense.
A écouter la lecture du jugement, on se rend compte à l’évidence que les rôles ont été inversés entre les parties dans l’administration de la preuve. Le Collectif rappelle qu’en matière de détournement de deniers publics, la charge de la preuve incombe au poursuivant (ministère public) et à la prétendue victime (agent judiciaire de l’Etat). Ce qui est d’ailleurs conforme aux principes généraux du droit. Mais dans ce dossier, Docteur DIANE a été condamné pour détournement de deniers publics parce qu’il n’aurait pas justifié la différence entre les crédits alloués à ses différents services et les défenses effectuées, oubliant qu’un crédit peut être affecté sans être décaissé.
Le pire dans tout ça, c’est le fait qu’aucune pièce comptable n’a été versée au dossier, ni aucun membre du pool financier du ministère de la défense n’a été convoqué ni entendu. Pourtant, le Collectif rappelle que tous les comptes du Ministère de la Défense sont au nom de l’intendant général, qui déteint tous les chèques et en est le signataire.
1 Le Collectif rappel en outre que de 2011 à 2016, Dr Mohamed DIANÉ, en tant que Ministre Directeur de cabinet à la Présidence de la République, n’était pas membre du Gouvernement et n’était pas non plus l’ordonnateur du budget de la Présidence. C’est le Ministre Secrétaire général à la Présidence qui assurait cette fonction d’ordonnateur.
C’est pour toutes ces raisons que le Collectif dénonce une décision injuste et inéquitable.
– Sur la condamnation de Docteur DIANE pour enrichissement illicite
Le Collectif rappelle aussi que d’importants biens immobiliers ont été attribués à tort à Docteur DIANE, notamment des biens attribués à des prétendus prête-noms. Curieusement, aucun de ces prête-noms n’a été invité à comparaitre pour s’expliquer sur l’origine de la propriété de ces immeubles de leurs noms.
Le Collectif rappelle également que même les biens dont le client a hérités de ses parents n’ont pas été épargnés.
Aussi, le Collectif souligne que la Chambre a ignoré les déclarations de biens faites par Docteur Mohamed DIANE respectivement en sa qualité de Directeur de cabinet à la Présidence de la République et de Ministre de la Défense Nationale en 2011 et 2016. Le respect du principe du contradictoire et les garanties d’un procès juste et équitable auraient dû amener la Juridiction à prendre en compte ces différentes déclarations à la décharge de Docteur Mohamed DIANE.
En outre, le Collectif insiste sur le fait que la Chambre de jugement n’a fait que s’aligner sur les réquisitions du Procureur spécial et les demandes des conseils de l’Etat faisant ainsi abstraction de toutes pièces versées au dossier de la procédure par Dr. DIANÉ, notamment ses déclarations des biens faites devant la Cour suprême et devant la Cour Constitutionnelle.
De la sorte, le Collectif est en droit de s’indigner.
En tout état de cause, le Collectif entend relever appel dans les meilleurs délais contre la décision précitée.
Pour terminer, le Collectif dénonce un procès politique et expéditif qui sape les fondements d’un véritable Etat de droit, sans lequel il n’y aura jamais de justice indépendante, garante d’un procès juste et équitable.
Vive l’Etat de droit.
Conakry, le 19 décembre 2024.
LE COLLECTIF
Maitre Almamy Samory TRAORE
Maitre Sékou KONDIANO
Maitre Sidiki BERETE
Maitre Ciré Clédor LY