« …Nous demandons aux autorités de les libérer immédiatement et sans condition, Oumar SYLLA (Foniké Menguè) et Bilo BAH… Parce que comme vous le savez, avec les derniers événements que nous avons connu dans ce pays, il y a quand même eu des cas de morts dans les lieux de détention en Guinée, et donc nous ne voulons pas qu’il y ait encore une fâcheuse nouvelle… ». (Souleymane SOW, Secrétaire exécutif d’Amnesty International Guinée)
Malgré les nombreuses réactions d’acteurs sociopolitiques engendrées par l’arrestation extrajudiciaire des leaders du FNDC il y a trois jours, les autorités n’ont encore fait aucune communication ni sur les motifs de leur interpellation, ni sur le lieu de détention de Foniké Mengué et Bilo Bah. De quoi inquiéter Souleymane SOW, Secrétaire Exécutif d’Amnesty international Guinée, qui nous a accordé un entretien ce vendredi, 12 juillet 2024. Le défenseur des droits humains estime que cet état de fait constitue un recul pour la Guinée en matière respect des droits humains. Tout comme la plupart des acteurs qui se sont déjà prononcés sur cette situation, il exige la libération de ces activistes et invite les autorités judiciaires à communiquer sur leur lieu de détention tout en assurant l’intégrité physique des leaders du FNDC. Ce n’est pas tout ! Souleymane SOW s’insurge également sur les cas de morts enregistrés dans les de lieux de privatifs de libertés ces derniers temps.
Avec notre reporter, Mamadou Mouctar
SYLLA
Guineepanorama.com : comment réagissez-vous à l’arrestation de Foniké Mengué et de Bilo BAH ?
Souleymane SOW : nous ne pouvons que regretter et condamner ces arrestations arbitraires. Vous avez suivi, nous avons sorti un communiqué sur cette arrestation. Nous demandons aux autorités de les libérer immédiatement et sans condition, Oumar SYLLA (Foniké Menguè) et Bilo BAH. C’est quand même assez regrettable que nous reculons sur les droits individuels, les libertés individuelles. Les restrictions de ces libertés, malheureusement, quand nous voulons construire un Etat de droit, nous devons garantir la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifiques et la liberté d’associations. C’est quand même assez dommageable pour un pays qui se réclame dans le patrimoine démocratique. Donc, nous interpellons l’État surtout aujourd’hui, nous espérons qu’ils vont assez rapidement communiquer sur le lieu de leur détention et surtout assurer la sécurité de ces deux personnes. Parce que comme vous le savez, avec les derniers événements que nous avons connu dans ce pays, il y a quand même eu des cas de morts dans les lieux de détention en Guinée, et donc nous ne voulons pas qu’il y ait encore une fâcheuse nouvelle. Donc, nous appelons les autorités non seulement à assurer leur sécurité et à permettre à leurs avocats et leurs familles de les voir, de les rencontrer et de pouvoir discuter avec eux.
Avez-vous pris contact avec leurs avocats pour connaître leur lieu de détention ?
Pour le moment jusqu’à hier, les avocats nous ont dit qu’ils ne savaient pas encore leur lieu de détention encore moins ce pourquoi ils sont arrêtés. Donc nous ne savons absolument rien. Comme les autorités notamment judiciaires, non pas communiqué, donc pour le moment nous ne savons pas pourquoi ils sont interpellés et d’ailleurs quand des personnes, des citoyens que l’on connaît où ils habitent sont arrêtés de cette façon là, le code de procédure pénale est très clair. La nuit on ne peut pas venir arrêter des personnes dans des conditions et que les familles, les témoins disent que ces personnes sont arrêtées par des hommes en uniforme armée. Ça pose quand même problème.
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Avez-vous fait la même démarche envers les autorités compétentes sur la question ?
Pour le moment, non ! Nous suivons le dossier par l’intermédiaire des avocats et des proches de ces deux personnes qui sont arrêtées. Nous espérons assez rapidement que les autorités judiciaires, le procureur pourra faire une communication là-dessus. Ou bien le cabinet du ministère de la justice. C’est à eux de dire où sont détenus et de quoi ils sont accusés.
Ces derniers temps, nous avons enregistré des cas de morts en détention, quelle lecture faites-vous d’une telle situation ?
C’est une situation, ces dernières années, qui nous interpelle. Le droit international est assez clair là-dessus : une personne même en détention, a aussi des droits. Si [s’il] y a un prisonnier qui tombe malade, l’Etat doit tout mettre [en œuvre] pour assurer le [son] droit à la santé. Vous avez suivi Lounceny [CAMARA], l’ancien ministre qui est décédé en prison, nous avons enregistré le décès récent du général Sadyba [KOULIBALY] et tout récemment [il] y a eu du côté de coyah un autre prisonnier qui est décédé en prison et il y a la semaine dernière une autre prisonnière qui est décédée du côté de Kindia. Donc ça interpelle énormément. Nous espérons en tout cas que les autorités vont clarifier et dire exactement qu’est-ce qui s’est passé et vous savez en 2016 quand la Guinée a révisé son code pénal et que l’on a internaliser la définition de la torture et le mauvais traitement dans notre code pénal ! donc ce sont des sujets qui nous interpellent. Nous espérons que tout cela sera bien clarifié et que les populations seront informées pour qu’il n’y ait plus des cas de mauvais traitement et de tortures dans nos lieux de détention. La Guinée avait quand même franchi un pas dans ce domaine lors de la révision de ce code pénal et malheureusement ces dernières années, il y a des suspicions, donc une grosse inquiétude pour nous acteurs de la société civile sur la situation des droits humains dans notre pays.
Face aux événements que vous décrivez ci-dessus, que compte faire votre organisation pour faire changer la donne ?
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Vous savez, la Guinée doit passer en début d’année prochaine à l’examen périodique universel devant le conseil de droits de l’Homme à Genève, nous société civile, évidemment nous allons déposer un rapport alternatif, les autorités aussi vont déposer un rapport sur les droits humains de 5 dernières années et je pense que vous avez vu la communication même des nations unies qui demandent à l’Etat guinéen de libérer ces deux personnes et donc ce sera aussi l’occasion d’interpeller les autorités guinéennes et mettre l’accent sur les nombreuses violations des droits humains et des nombreuses restrictions des libertés individuelles que nous vivons en Guinée.
Votre mot de la fin, pour clore cet entretien !
Le message, nous sommes quand même dans le concert des nations et que nous avons pris librement des engagements vis-à-vis de nos partenaires à l’international et donc nous appelons les autorités guinéennes à respecter ces engagements et à tout mettre en œuvre pour la réalisation des droits humains dans notre pays. Nous ne pouvons pas retirer ces libertés aux citoyens guinéens. Les Guinéens ont le droit aussi d’avoir une information diversifiée, les Guinéens ont le droit de s’exprimer librement, évidemment dans des conditions bien claires. Les Guinéens ont le droit de se réunir pacifiquement, d’organiser des manifestations pacifiques sans qu’ils risquent leur vie, [sans qu’ils] ne soient blessés. Malheureusement aujourd’hui la situation des personnes vivant sur le sol guinéen est très critique.