Dans un entretien exclusif accordé à www.guineepanorama.com, Jacques Lèwa LÉNO, Directeur général d’Espace TV, justifie le boycott par Hadafo Média du congrès électif de l’URTELGUI. Il dénonce un processus bâclé, où la relecture des statuts a été ignorée, laissant place à des manœuvres qu’il juge contraires aux intérêts du secteur audiovisuel guinéen.
Guineepanorama.com : Pourquoi avoir claqué la porte avant le vote ?
Jacques Lèwa LÉNO : Il y a les statuts, ainsi que la lettre de convocation à l’Assemblée Générale qui nous indiquait qu’il fallait d’abord relire les statuts, les amender, les réadapter à l’évolution de l’URTELGUI et des médias audiovisuels avant de procéder au vote. Nous n’avons pas compris pourquoi, dans la matinée d’hier, le président [de l’URTELGUI] et le reste [des participants à] l’Assemblée Générale ont décidé de passer au vote et de remettre à plus tard la relecture des statuts. Nous estimons que l’élection est encadrée par les statuts. C’est comme si l’on disait : élisons d’abord le président, puis adoptons la loi électorale ou la constitution. Je crois que cela n’a pas de sens. Ce sont les textes qui déterminent qui peut être candidat, qui est électeur et qui ne l’est pas. Nous n’étions pas d’accord à ce sujet, c’est pourquoi nous avons estimé qu’il n’était ni nécessaire ni judicieux de participer à ce vote.
Que reprochez vous à ce nouveau bureau ?
Nous n’avons pas de reproches particuliers à formuler, mais nous aurions aimé qu’à la fin de son mandat, ce bureau nous présente un bilan – ce qui a été fait, conformément bien sûr aux missions que l’URTELGUI s’est assignées – indiquer si des ressources ont été mobilisées, comment elles ont été gérées, et si des fonds restent disponibles en banque. C’est ainsi que fonctionne le monde des organisations. C’est regrettable, car nous sommes journalistes, et c’est nous qui critiquons les politiques et certaines organisations de la société civile. Je crois que nous devrions être plus exigeants envers nous-mêmes que nous le sommes souvent envers les autres.
Vous ne reconnaissez pas ce bureau mais ses décisions s’appliqueront à vous, allez vous les appliquer ?
Il s’agit d’une association, ne l’oublions pas. Ce n’est pas un parlement où l’on vote des lois applicables à tous les citoyens. L’adhésion est libre, tout comme le retrait. Pour l’instant, nous n’avons pris aucune décision en ce sens, mais ce qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas obligés de nous soumettre aux décisions de l’URTELGUI si nous ne le souhaitons pas. La seule institution qui fédère les médias de manière obligatoire, c’est la HAC ou le gouvernement !
Vous n’êtes pas représentez dans le bureau, cela n’est il pas défavorable pour vous ?
Cela n’a aucune importance ! Dans le passé, je ne sais pas ce que nous avons gagné ! Nous allons continuer à réfléchir de notre côté – nous avons fait notre propre bilan et nous estimons que l’URTELGUI ne joue pas son rôle et n’agit pas conformément aux missions qu’elle s’est assignées. C’est pourquoi nous voulions procéder à des réformes pour nous permettre d’évoluer, d’avoir des actions bénéfiques pour les radios et télévisions. Mais ils se sont plutôt préoccupés d’obtenir un bureau. Je ne sais pas ce que ce bureau apportera. Si c’est pour continuer à fonctionner comme d’habitude, je crois que nous ne regretterons pas notre retrait.
Pourquoi, selon vous, le bureau sortant a refusé que les statuts soient révisés, que cachent ils ?
Honnêtement, je ne sais pas. Je suis certain d’une chose : s’ils étaient de bonne foi, la moindre des choses aurait été de relire les statuts – le président était parti avec cette intention. Quant aux autres, je ne comprends pas comment on peut être plus préoccupé par l’obtention d’un bureau que par le travail à accomplir et au bénéfice de qui. Ou alors, est-ce simplement pour avoir une association représentative des radios et télévisions ? Je crois que c’est cela ! Ce que j’ai vu hier me laisse perplexe.
Que souhaiteriez-vous voir inscrits dans les statuts ?
Nous avions proposé des réformes profondes afin d’avoir une véritable association patronale avec un organe exécutif qui aurait un programme d’actions pour le développement des médias. Cela existe ailleurs – des idées de formation, des moyens pour accompagner les initiatives de création et de développement d’entreprises, etc., avec des missions précises et une obligation de résultats, ainsi qu’une évaluation à chaque étape, permettant de décider s’il faut continuer à faire confiance à ceux qui travaillent ou leur retirer cette confiance. Dans les conditions actuelles, il n’y a aucune pression. Il ne s’agit que d’une association représentative. S’il n’y a pas de crise, comme c’est le cas actuellement, ou s’il n’y a pas d’élections, vous ne voyez pas l’URTELGUI. S’il n’y a pas un programme gouvernemental ou l’anniversaire du CNRD, vous ne voyez pas l’URTELGUI. Si l’URTELGUI n’est pas sollicitée par une institution pour organiser une synergie, vous ne la voyez pas. Or, une organisation doit fonctionner de manière permanente, avec des objectifs à atteindre. Dans les statuts actuels, on parle d’actions censées permettre le développement des médias – l’URTELGUI ne se donne pas les moyens d’agir en ce sens. Je ne dis pas que l’URTELGUI va créer des radios pour les gens, mais une association véritablement représentative pourrait établir des contacts avec les institutions qui investissent dans ce domaine et débloquer des fonds, plutôt que d’attendre seulement des occasions pour se manifester.
Que comptez vous faire désormais, allez vous évoluez en solo ou créer une autre association comme l’avais Chantal Collé à l’époque ?
Nous sommes en crise depuis longtemps. L’union de façade ne nous a pas permis de trouver une solution. Au contraire, la crise s’est aggravée – on sait ce que certains disaient. Plusieurs patrons de radios et télévisions, nous le savons, se réjouissaient de notre situation, et cela s’est encore confirmé hier lorsqu’un patron de média a demandé en Assemblée générale que nous soyons exclus parce que nous n’avons plus d’agréments, oubliant qu’au sein de Hadafo, par exemple, nous avons encore deux médias qui fonctionnent.
Cette élection montre à tous, les divisions au sein des médias, comment voyez vous l’avenir surtout avec la crise qui mine le secteur ?
Le présent est déjà inquiétant ! Alors que nos confrères sénégalais réussissent à amener leur président à tenir un discours en faveur des journalistes à travers une journée sans presse, ici, les médias qui fonctionnent se félicitent de la fermeture des autres médias. Pensez-vous que nous allons nous en sortir ? Bonne chance à eux ! Mais ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas la seule association à connaître ces difficultés. Il y a eu des problèmes au sein des médias en ligne, des problèmes au niveau de la presse écrite. Il n’est pas exclu qu’au sein des radios et télévisions, on se retrouve dans la même situation simplement parce que nous ne nous aimons pas assez. Personne ne quémande de l’amour, mais si vous n’êtes pas unis, on vous écrase petit à petit.
Pensez vous qu’il y’a de l’hypocrisie dans le milieu ?
Il y a de l’hypocrisie, mais aussi des gens courageux, comme ce patron d’hier qui a dit clairement qu’il fallait nous exclure parce que nous n’avons plus d’agrément, comme si nous avions choisi de perdre nos agréments.