Les États-Unis ont récemment proposé l’octroi de deux sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Cette initiative, qui pourrait apparaître comme une avancée pour la représentativité africaine dans les affaires mondiales, est cependant jugée insuffisante par Thierno Boubacar TOUNKARA, analyste géopolitique. Lors d’une interview exclusive accodée à Guineepanorama.com, il a souligné que ces sièges, dépourvus de droit de veto, n’apporteraient guère de poids à l’Afrique dans la gouvernance mondiale. « Être membre sans droit de veto, c’est presque symbolique », a-t-il déclaré, en appelant à une réflexion plus profonde sur la place réelle du continent dans les instances internationales.
Avec notre reporter, Mamadou Mouctar SYLLA
Guineepanorama.com : Quelle lecture faites-vous de la proposition des États-Unis d’octroyer deux nouveaux sièges permanents à l’Afrique au Conseil de sécurité ?
Thierno Boubacar TOUNKARA : la proposition des États-Unis remonte à la rencontre Afrique-Amérique depuis 2022 dans un contexte géopolitique dominé par la montée du souverainisme africain et la remise en cause de l’influence des pays occidentaux dont la France et les États-Unis en Afrique. Cela, évidemment, remonte aux décisions du Mali de rejeter la France et du Niger par après le Burkina Faso et l’Amérique même a été bousculée au Niger. C’est dans ce contexte que cette proposition a été faite donc il y a à se poser la question de savoir est-ce que ça répond à des politiques, à des questions géopolitiques domestiques, c’est-à-dire propre à l’Amérique ou alors ça correspond à une montagne en influence de l’Afrique sur les affaires du monde ? Je ne crois pas à cette hypothèse et de toute façon le conseil de sécurité en dehors des 5 membres permanents qui ont un droit de veto, ça ne signifie pas grand chose. L’ONU même a été construite sur la base de la promotion de la paix, la coopération entre les États et la résolution des problèmes avec le dialogue et non la guerre. Cette idée était de lutter contre la guerre. Parce que si vous vous souvenez c’est – après la 2ème guerre mondiale que l’ONU a été créée. C’était pour prévenir les guerres. Elle s’est dotée d’instruments qui lui permettent de régler les guerres les différends entre les États de façon pacifique. Mais force est de constater qu’il y’a des guerres qui ont éclaté un peu partout depuis la création de l’ONU que l’ONU, pratiquement, n’a pas pu éteindre par exemple la Russie et l’Ukraine. L’ONU est incapable d’éteindre cette guerre Israël-Gaza on n’en parle plus ! C’est un scandale donc, le conseil de sécurité. Être membre permanent ou membre élu, ça ne signifie pas beaucoup.
Comment cela pourrait-il affecter l’influence de l’Afrique au sein des Nations Unies, étant donné qu’elle représente près d’un tiers des membres de l’organisation ?
Ces membres permanents avec droit de veto qui pouvaient constituer un soulagement pour les pays africains. Mais là on en est loin encore et il faut se poser la question aussi pourquoi maintenant après près de 69 ans 80 ans de création de l’ONU ? Il y’a beaucoup d’eau qui a coulé sous le pont. Pourquoi maintenant est-ce que c’est une prise en compte de l’influence de l’Afrique sur les problèmes mondiaux ? Je ne crois pas ! Est-ce que ça répond à des raisons internes aux pays occidentaux qui sont bousculés un peu partout peut-être ? De toutes les façons l’Afrique ne pèse pas beaucoup sur les problèmes du monde mise à part ses ressources minières. Donc les ressources du sous-sol de l’Afrique ne pèsent pas beaucoup dans les décisions mondiales .
Du même auteur : Attaque terroriste appuyée par l’Ukraine contre le Mali : “On est au bord de la troisième guerre mondiale”, Thierno Boubacar TOUNKARA
Pensez-vous que cette proposition répond aux appels de longue date pour une réforme du Conseil de sécurité, notamment en ce qui concerne la représentativité des pays africains ?
Dans 50 ans, on pourra compter sur l’influence de l’Afrique dans les affaires mondiales lorsque l’Afrique sera le continent le plus peuplé du monde. Mais maintenant je crois que c’est prématuré.
Comment la limitation de ces sièges sans droit de veto pourrait-elle être perçue par les États africains, qui réclament un rôle plus important dans la gouvernance mondiale?
Sans droit de veto, [les] membres du conseil de sécurité ne représentent pas beaucoup. L’ONU actuellement est malmenée de tout côté. C’est la remise en cause totale des fondements qui ont poussé à la construction de L’ONU. Donc la guerre d’Israël en est l’exemple, la guerre de l’Ukraine on en parle pas, la Birmanie et consort, il y a beaucoup de guerres au Soudan ! Donc, l’ONU, sur ce plan, doit avoir été un échec. Membre permanent du conseil de sécurité ça ne pèse pas beaucoup sans le droit de veto. Une fois encore je le répète mais il y a un avantage peut-être que c’est le déblocage du compteur peut-être qu’on aura le droit de veto en 2040 ! Si c’est dans ce sens, oui !
Quels seraient, selon vous, les avantages et les inconvénients pour l’Afrique d’obtenir un siège permanent sans droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies ?
Important pour l’Afrique que le compteur soit débloqué et que la marche du soir conduise l’Afrique à obtenir le droit de veto. C’est le seul avantage que l’on peut tirer de cette décision de l’Amérique d’accorder deux places permanentes à l’Afrique au conseil de sécurité. Maintenant aux prochaines questions intéressantes, c’est le choix des pays qui vont intégrer. Est-ce qu’on va prendre en compte le poids démographiques ? Est-ce que c’est le poids politique, diplomatique ou militaire ou économique qu’on va privilégié pour choisir les pays en question ou alors on va choisir les pays en question en bloc ? C’est-à-dire en bloc différents parce qu’il y a l’Afrique blanche et l’Afrique noir il faut pas se voiler la face ? Donc, est-ce qu’on va faire un pays l’Afrique blanche peut-être l’Égypte un pays d’Afrique noir peut-être le Nigeria où l’Afrique du Sud. On verra bien ce qui va se passer mais c’est un problème qui se pose déjà et il y a beaucoup d’ambitions en Afrique du Sud, au Maroc, en Éthiopie. Et tous ces pays ont des ambitions d’être membre du conseil de sécurité mais avec droit de veto.