Le climat au sein de la Fédération Guinéenne de Football (FGF) semble être au bord de l’implosion. Un groupe composé de quatre membres du Comité Exécutif (COMEX), élus en janvier 2024, a adressé une lettre ouverte à la Commission d’Éthique de la FGF, dénonçant ce qu’ils qualifient de « gestion unilatérale » et opaque des affaires administratives, financières, ainsi que des sélections et compétitions nationales par le président de la Fédération, Monsieur Aboubacar SAMPIL.
Cette lettre, datée du 16 septembre 2024, soulève des accusations graves et pose des questions sur la gouvernance au sein de cette institution sportive.
Gestion administrative unilatérale
L’une des premières accusations portées par les membres du COMEX concerne la gestion administrative, qui serait menée de manière solitaire par le président. À peine « 48 heures » après leur élection, les signataires expliquent que le président SAMPIL a pris la décision unilatérale de lever la suspension du contrat avec l’équipementier MASITA, sans consulter les membres du COMEX. Ce contrat, suspendu par le Comité de Normalisation (CONOR) pour des raisons encore floues, aurait dû faire l’objet d’un examen minutieux avant toute décision, selon les plaignants.
« Il convient de rappeler que l’article 39 alinéa 2 des statuts de la FGF relatif aux modalités de prise de décisions du COMEX stipule clairement que ‘Le Comité Exécutif prend ses décisions à la majorité (plus de 50%) des suffrages valablement exprimés. Les abstentions ne sont pas prises en compte dans le calcul de la majorité. En cas d’égalité des voix, le vote présidentiel est déterminant….)' », fait observer la lettre, consulté par notre rédaction.
Ce schéma de prise de décision unilatérale s’est ensuite répété à divers niveaux de l’administration fédérale. Le président est accusé d’avoir procédé à des recrutements sans en référer aux membres du COMEX, notamment pour des postes stratégiques comme ceux de directeur financier ou d’entraîneurs des équipes nationales. L’effectif du personnel, tout comme la masse salariale, serait inconnu des membres du COMEX, rendant impossible une gestion transparente. Ces décisions, souvent prises sans la consultation du Secrétaire Général, suscitent de vives inquiétudes quant à la conformité avec les statuts de la FGF. « Depuis cette date [ndlr : le 6 janvier 2024], le Président n’a eu de cesse de nommer seul à tous les niveaux d’emplois au sein de l’administration fédérale, notamment, le personnel administratif et financier, les entraineurs et sélectionneurs des différentes sélections nationales ainsi que leurs staffs techniques – Le directeur financier qui a été recruté au mépris de toutes les dispositions règlementaires en la matière, a présenté sa démission pour des raisons non encore connues du COMEX. Un autre est recruté pour le remplacer, à linsu du COMEX.
Selon les propres propos du Président, il a affirmé avoir recruté un cabinet pour des conseils juridiques en Suisse ; lequel est rémunéré à hauteur de 25 000 dollars par mois, à l’insu du COMEX ».
Opacité financière
Les accusations ne s’arrêtent pas à la gestion administrative. L’opacité financière au sein de la FGF est également pointée du doigt. Les signataires de la lettre affirment n’avoir eu aucune connaissance des différents comptes bancaires de la Fédération, ni de leurs montants, au moment de leur prise de fonction. Le président Sampil est accusé d’être le seul à détenir des informations sur les finances, en étroite collaboration avec le comptable et le président de la Commission des Finances.
Un exemple particulièrement troublant est la gestion des 500 millions de francs guinéens offerts par un opérateur économique lors de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023. Les membres du COMEX n’auraient reçu aucune explication quant à l’utilisation de cette somme, soulevant des questions sur la destination des fonds et la transparence de leur usage.
Favoritisme et immigration clandestine dans la gestion des sélections nationales
Les critiques se tournent également vers la gestion des sélections nationales, notamment celle du Syli National. Le président SAMPIL est accusé de décider seul du recrutement et des licenciements des sélectionneurs et des membres des staffs techniques, en violation des règles statutaires. « Au mépris de toutes les dispositions règlementaires en la matière, le Président a déclaré que la gestion des sélections nationales relève de sa seule discrétion avec le sélectionneur concerné et le ministre en charge des Sports. »
Il serait également responsable d’une pratique controversée : l’intégration, dans les délégations officielles, de personnes n’ayant aucun lien avec le football, favorisant ainsi l’immigration clandestine. « Les membres du COMEX n’ont jamais eu accès aux différentes listes des membres des délégations fédérales. Pendant ce temps, les personnes inconnues du monde football sont inscrites et voyagent au détriment des membres du Comité Exécutif et des membres statutaires… ».
Cette accusation est particulièrement grave car elle suggère que le football guinéen, au lieu de se concentrer sur le développement des talents et la compétitivité sportive, pourrait servir de façade à des pratiques illégales, en particulier l’immigration irrégulière. Ces allégations, si elles sont fondées, pourraient ternir l’image de la FGF à l’échelle internationale.
Les membres du COMEX n’ont, par ailleurs, jamais eu accès aux listes des membres des délégations fédérales. Alors que le président fait systématiquement partie des délégations, il percevrait à la fois les primes de sélection payées par l’État et les per diem de la FGF, à hauteur de 600 dollars par jour. Cette situation contraste fortement avec les difficultés rencontrées par les autres membres du COMEX pour accompagner les sélections nationales.
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Compétitions nationales sous influence
Le contrôle présumé du président SAMPIL ne s’arrêterait pas aux finances et aux sélections nationales. Les compétitions nationales, organisées sous l’égide de la Ligue Guinéenne de Football Professionnel, seraient également manipulées. Les plaignants affirment que le président tient régulièrement des réunions « en aparté avec la Commission des Arbitres » lors desquelles les commissaires et arbitres assignés aux matchs seraient changés. Ces changements de dernière minute, soupçonnés d’influencer les résultats de certaines rencontres, jettent une ombre sur l’intégrité des compétitions.
Une gouvernance en crise
La lettre des quatre membres du COMEX à la Commission d’Éthique de la FGF constitue un appel à l’intervention pour rétablir une gouvernance conforme aux statuts de l’institution. En dépit de leurs multiples tentatives de dialogue avec le président SAMPIL, ce dernier n’aurait pas accédé à leurs préoccupations, entraînant la répétition de manquements graves aux règles statutaires.
Les signataires insistent sur leur désir de voir la Fédération retrouver une cohésion et une transparence dans la gestion de ses affaires. Ils réaffirment leur engagement à travailler pour l’atteinte des objectifs fixés lors de leur campagne électorale, mais dénoncent fermement toute attitude qui violerait les statuts de la FGF.
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Un appel à l’action
Les membres du COMEX demandent à la Commission d’Éthique de prendre acte des manquements signalés et d’en tirer les conséquences de droit. Ils affirment être prêts à fournir des preuves supplémentaires pour appuyer leurs accusations. Cette affaire, si elle n’est pas traitée avec diligence, pourrait avoir des répercussions majeures sur la gouvernance du football guinéen, mettant en péril à la fois la crédibilité de la FGF et la performance de ses équipes nationales.
La balle est désormais dans le camp de la Commission d’Éthique. Le président SAMPIL se retrouvera-t-il contraint de s’expliquer ? Réussira-t-il à éteindre l’incendie qui couve au sein de la FGF, ou cette crise sera-t-elle le prélude à un nouveau chapitre tumultueux dans l’histoire du football guinéen ? Les prochains jours s’annoncent décisifs.
En août dernier, un autre groupe de sept membres statutaires a dénoncé la gestion solitaire de Bouba SAMPIL.
Consultez la lettre ici
Saa Joseph KADOUNO