La justice guinéenne, souvent critiquée pour son manque d’impartialité, se trouve une fois de plus au cœur d’un scandale qui illustre de manière flagrante son application sélective. L’affaire du pédiatre Mohamed DIOUBATÉ, décédé après avoir été accusé d’avoir brûlé des effigies du président de la transition, Mamadi DOUMBOUYA, à Kankan, a révélé les profondes failles de ce système. Dans une déclaration glaçante, le préfet de Kankan, Kandja MARA, a menacé de faire subir le même sort à toute personne qui oserait agir de la sorte, des propos que la loi guinéenne qualifie pourtant de « menaces de mort », une infraction sanctionnée par les articles 282 et suivants du code pénal.
Cependant, il a fallu une montée de l’indignation populaire sur les réseaux sociaux et dans la presse pour que le parquet se manifeste, non pas pour engager des poursuites contre l’auteur de ces menaces, mais pour se contenter de « déplorer » ces propos et rappeler que le pédiatre est décédé à l’hôpital régional de Kankan. À ne pas oublier : il a dit et il a assumé.
Le contraste entre cette réaction molle et la vigueur avec laquelle la justice guinéenne traite certains autres cas est saisissant. À titre d’exemple, des citoyens comme Pépé Francis HABA et ses compagnons attendent toujours leur jugement après avoir appelé à contester la condamnation de l’ancien président de la transition, Moussa Dadis CAMARA, dans le cadre du procès des massacres du 28 septembre 2009. Dans un autre registre, deux commissaires de la Haute Autorité de la Communication (HAC) ont été suspendus et poursuivis pour « diffamation contre le chef de l’État ». Il y a quelques années en arrière, le journaliste Amadou Djoulde DIALLO a été condamné pour « outrage au chef de l’État » sous le régime d’Alpha CONDÉ.
Le silence autour des propos du préfet de Kankan contraste donc violemment avec ces affaires, où la justice semble avoir agi avec une célérité et une fermeté exemplaires. Cette disparité dans l’application de la loi pose une question essentielle : la justice guinéenne est-elle réellement « la boussole » tant promise par les autorités de la transition ? Ou sommes-nous confrontés à une justice à deux vitesses, où les puissants bénéficient d’une impunité tacite, tandis que les voix critiques sont systématiquement réprimées ?
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La réponse semble évidente ! L’affaire Kandja MARA n’est pas une première. Le préfet de Kankan a déjà été condamné à six mois avec sursis pour des propos communautaristes, une sanction perçue par beaucoup comme un simple avertissement sans réelle portée. Son retour rapide aux affaires publiques renforce l’idée que certains responsables jouissent d’une certaine immunité, peu importe la gravité de leurs actes. Face à une telle situation, la crédibilité des institutions judiciaires s’érode chaque jour un peu plus. L’égalité devant la loi, principe fondamental de toute démocratie et inscrite dans la Charte de la transition, semble devenir une chimère en Guinée.
Les citoyens guinéens, qui aspirent à une justice équitable et impartiale, sont en droit de se poser des questions. Comment la transition actuelle peut-elle prétendre incarner le changement si, dans les faits, certaines figures jouissent d’une impunité manifeste ? Il est impératif que la justice guinéenne, si elle veut redorer son blason, se montre à la hauteur de ses promesses en engageant des poursuites contre toute personne, quelle que soit sa position, qui viole la loi.
Ce manquement à l’égard du préfet de Kankan témoigne d’un dysfonctionnement systémique. Seule une justice impartiale, appliquée avec rigueur et sans considération pour les statuts des uns et des autres, permettra de restaurer la confiance du peuple. En attendant, l’ombre de l’injustice continue de planer sur Kankan, et au-delà, sur l’ensemble du pays.
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Saa Joseph KADOUNO