Dans une récente tribune publiée sur plusieurs médias en ligne, le ministre de l’Énergie a abordé la question épineuse de l’exportation d’énergie par la Guinée, tout en expliquant les défis internes du secteur. Cette démarche, justifiée par des facteurs techniques et économiques, soulève des interrogations légitimes, notamment face à la persistance des besoins en électricité dans plusieurs régions reculées du pays.
Selon le ministre de l’Énergie, la Guinée a fait d’importants progrès en matière de production énergétique, atteignant « 80 % » de couverture des besoins grâce à divers « projets d’infrastructures hydrauliques », dont les barrages de Souapiti et Kaléta. Aboubacar CAMARA a néanmoins reconnu que la distribution reste un défi majeur, privant ainsi de nombreuses régions comme la Haute-Guinée et la Guinée Forestière.
« Depuis l’indépendance, les progrès en matière de transport et de distribution sont restés limités, laissant certaines régions comme la Haute-Guinée ou la Guinée-Forestière relativement isolées du réseau électrique. Acheminer l’électricité sur de longues distances, depuis les zones de production jusqu’aux régions périphériques, s’avère extrêmement onéreux », a expliqué le ministre.
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« C’est pour pallier ce déficit que des projets d’interconnexion régionale, tels que Linsan (qui est sous-régional) et celui reliant la Guinée à la Côte d’Ivoire, ont été lancés pour alimenter les régions éloignées », a-t-il ajouté.
« La ligne d’interconnexion Guinée-Mali, dont 65 % des travaux sont réalisés, permettra dès 2025 d’alimenter des régions comme la Haute-Guinée, » a précisé Aboubacar CAMARA.
L’enjeu de l’énergie non consommée
L’un des principaux défis de la production énergétique réside dans la gestion des surplus. « Contrairement » aux produits alimentaires comme « le riz ou le fonio », l’électricité « ne peut être stockée ». Pour le ministre, « une fois produite, elle doit être immédiatement consommée ou, à défaut, elle est irrémédiablement perdue, tout en continuant d’imposer des coûts d’entretien liés aux infrastructures de production, selon le modèle de contrat take or pay ou tak and pay ».
Face à une situation où la Guinée produit plus d’énergie qu’elle ne peut en consommer localement à court terme, la vente à des pays voisins devient une solution incontournable. Une stratégie qui s’aligne sur celle de certains pays européens où « il existe un marché énergétique intégré, où l’électricité se négocie comme des matières premières ou des devises ». Les pays en situation de surplus énergétique peuvent vendre cette énergie à leurs voisins, optimisant ainsi leur production et réduisant leurs coûts d’exploitation.
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La récente crise énergétique et les solutions en cours
Pour renforcer son propos, le ministre est revenu sur les raisons de la dernière crise énergétique qui a durement touché le pays. « En Guinée, la récente crise était due à la faible capacité du couple Souapiti-Kaléta de 690 MW en puissance installée. Elle fournissait seulement 150 mégawatts avant l’arrivée du bateau thermique. Pour combler ce déficit, nous avons fait appel au bateau », a-t-il expliqué.
Malgré des prévisions météo peu favorables, le changement climatique a permis d’avoir une bonne pluviométrie, ce qui a aidé le barrage à atteindre la côte 211. « Notre objectif était d’atteindre la côte 210 en décembre pour répondre à la demande croissante, avec l’appui du bateau thermique, car à partir de janvier, les besoins iront jusqu’à 690 MW », a précisé le ministre.
Le manque de lignes de transport interne pour évacuer cette énergie dans des villes comme Faranah, Boffa, Macenta, et Kankan reste un obstacle majeur. Ainsi, la vente de l’excédent énergétique apparaît comme une solution inévitable, sans pour autant ignorer les besoins domestiques. « Nous avons deux mètres de hauteur d’eau supplémentaires au barrage qui doivent être turbinés ou déversés. Déverser cette eau, c’est perdre de l’argent », a-t-il insisté.
Une stratégie « bénéfique » pour les voisins
Aboubacar CAMARA a affirmé que la Guinée exporte actuellement plus de « 80 mégawatts » d’énergie au Sénégal, « 100 mégawatts » au réseau CLSG (Côte d’Ivoire-Liberia-Sierra Leone-Guinée), et « 20 mégawatts » en Guinée-Bissau. Ce commerce d’énergie s’avère avantageux pour ces pays, car l’hydroélectricité coûte bien moins cher que l’électricité produite par des centrales thermiques. « Le Sénégal nous a autrefois vendu de l’énergie thermique, aujourd’hui ils peuvent acheter de l’hydraulique moins cher, réduisant ainsi leurs coûts d’exploitation, » a souligné le ministre, ajoutant que les recettes générées permettront au pays de couvrir les charges du bateau thermique pendant trois mois.
L’hivernage (« août, septembre et octobre ») étant une période de faible consommation d’énergie en Guinée, la baisse de la demande interne s’explique par une utilisation réduite des appareils électroménagers, notamment des climatiseurs, a-t-il conclu.
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En optimisant sa production énergétique, la Guinée cherche un équilibre entre satisfaire ses propres besoins et profiter d’opportunités économiques à l’international, tout en espérant que les fruits de cette stratégie profiteront bientôt à toutes ses régions dont la plupart, hormis les centres urbains, se baignent dans le noir.
La rédaction