La Guinée pourrait bientôt adopter un parlement bicaméral avec la création d’un Sénat, une mesure proposée dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Ce dispositif vise à garantir la stabilité institutionnelle, prévenir la concentration des pouvoirs entre les mains du président en cas de crise, et refléter les aspirations des populations consultées. Mais quels en seront les impacts concrets sur la gouvernance et la démocratie ? Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction ce lundi, 25 novembre 2024, Djénabou Mady KOMA, Directeur Général Adjoint du Centre d’Études, de Recherche et de Formation Parlementaires (CERFOP) au CNT, a apporté des éléments de réponses.
Avec Saa Joseph KADOUNO
Guinepanorama.com : Quelle est la justification principale pour introduire un Sénat dans le parlement guinéen, alors que le pays fonctionne sous un régime présidentiel ?
Djenabou Mady KOMA : Pour éviter qu’au moment où l’Assemblée nationale est dissoute, que des pouvoirs ne soient entre les mains du président de la république.
Quels avantages spécifiques ce système bicaméral pourrait-il apporter à la gouvernance et à la démocratie en Guinée ?
Prévenir le risque d’instabilité institutionnelle et éviter que le président de la république n’ait un devoir de vie ou de mort sur les autres institutions.
Y a-t-il des modèles africains ou internationaux qui ont inspiré cette réforme ? Si oui, lesquels ?
Cet avant projet de nouvelle Constitution doit refléter les réalités guineennes et incarner l’expression du peuple souverain de Guinée.
En guise de rappel, les conseillers nationaux ont sillonné tout le pays en 2022 pour demander aux populations, le modèle de société pour la Guinée. C’est à l’issue de cette consultation populaire que les guinéens ont proposé le SENAT.
C’est notre réelle inspiration sans occulté que la Guinée est dans un monde notamment en Afrique. C’est-à-dire que c’est normale de s’inspirer aux modèles qui fonctionnent bien à travers le monde et en Afrique. Le sénat fonctionne bien dans plusieurs pays en Afrique et dans le monde.
Aux États-Unis, les sénateurs sont élus au suffrage universel. Notre avant-projet a prévu que les sénateurs seront élus par les conseillers communaux et régionaux. Vous ne pensez pas qu’il va y avoir aiguise sous roche ?
Oui, il existe un sénat aux États-Unis, mais nous ne sommes pas obligés de copier-coller un modèle mais, s’inspirer de bons modèles. Le sénat est mise en place dès la deuxième session de l’Assemblée nationale.
Quels critères seront utilisés pour sélectionner les membres du Sénat ? Y aura-t-il des quotas régionaux ou catégoriels (par exemple, pour les femmes, les jeunes, ou les organisations de la société civile) ?
Les sénateurs sont issus des collectivités et des entités socioprofessionnelles représentatives pour constituer le socle de la stabilité et l’équilibre régionale. 2/3 des sénateurs sont issus des élus locaux et 1/3 sont nommés par le président de République selon des critères clairement définis.
Comment les pouvoirs du Sénat se différencieront-ils de ceux de l’Assemblée nationale ? Et Quels domaines relèveront spécifiquement de la compétence du Sénat ?
Tu peux être député à 21 ans mais pour être sénateur il te faut 40 ans. Le président de la République ne peut pas nommer des personnes à des hautes fonctions sans consulter le sénat.
Le président ne peut dissoudre le sénat contrairement à l’Assemblée nationale. Le sénat a un mandat de 6 ans et l’Assemblée nationale en a 5.
Comment le bicamérisme peut-il coexister avec un régime présidentiel, qui est généralement plus centralisé dans sa prise de décision ? De surcroît, le président nommera le tiers des sénateurs.
Le parlement sera comme un bâtiment à deux chambres. Je ne suis pas par exemple obligé de faire dans ma chambre ce que mon voisin fait. C’est deux institutions républicaines qui sont complémentaires.
Quelles garanties seront mises en place pour éviter des blocages institutionnels entre les deux chambres ?
C’est à travers la vulgarisation. Retenons qu’une idée qui atteint le peuple devient une force matérielle. La vulgarisation est d’ailleurs consacrée dans cet avant-projet
La création d’une deuxième chambre n’augmentera-t-elle pas les coûts de fonctionnement du parlement ? Comment le gouvernement prévoit-il de gérer cela dans un contexte économique souvent contraingnant ?
La performance d’un État en matière de développement se repose sur deux cultures : l’efficacité et l’efficience. C’est-à-dire la production des résultats et la gestion rationnelle des ressources. Les deux vont ensemble.
Je ne penses pas que le sénat soit une institution de trop pour la Guinée. Il a un rôle déterminant dans le processus de transformation de notre pays.
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Comment le CNT prévoit-il de convaincre la population que ce système bicaméral est dans l’intérêt général du pays ?
Le sénat est l’une des grandes et meilleures innovations de cet avant-projet.
Si ce projet est adopté, combien de temps faudra-t-il pour que le Sénat soit opérationnel ? Y a-t-il des étapes prévues pour faciliter cette transition ?
Le sénat est opérationnel dès la deuxième session de l’Assemblée nationale.
Pour conclure, j’invite le peuple souverain de Guinée de s’approprier de ce texte fondamental qui régira notre société pendant les 30 ans à venir.
Cet avant-projet est l’incarnation de la volonté politique des autorités actuelles à transformer notre pays. C’est dans cette dynamique que les populations sont impliquées dès le début du processus.
Le développement doit être participatif et collectif. Avec cette campagne nationale de vulgarisation, j’ai eu l’impression que les guinéens sont enfin prêts pour transformer leur pays paradis.