En prélude à la commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais de Thiaroye en 1944, le président sénégalais a accordé un entretien à France 2 au cours duquel il a relancé le débat sur la responsabilité de la France dans cette tragédie. Ce massacre, longtemps occulté, revient au centre de l’attention grâce à un pas jugé significatif : la reconnaissance par le président français Emmanuel MACRON de cet épisode tragique comme un « massacre ».
Une avancée historique, mais des excuses attendues
Selon Bassirou Diomaye FAYE, le président français lui a récemment envoyé une lettre dans laquelle il qualifie pour la première fois cet événement de massacre. Toutefois, la France n’est pas encore au stade des excuses officielles. « Ce pas consistant à reconnaître que c’est un massacre doit ouvrir la porte à une collaboration parfaite pour la manifestation de toute la vérité sur ce douloureux évènement de Thiaroye », déclare-t-il.
L’histoire du massacre de Thiaroye, où des dizaines de tirailleurs sénégalais (non dénombrés) ont été abattus en réclamant leur solde après avoir combattu pour la France, reste entourée de mystères. « Évidemment, il y a quelque chose qui a été caché. On a régulièrement cherché à mettre une écharpe de plomb sur cette histoire-là », affirme le président sénégalais.
Il exhorte la France à une collaboration totale pour élucider les zones d’ombre, notamment sur le bilan exact des victimes. « Tant que la vérité ne sera pas totalement dite, il restera une plaie béante dans notre conscience commune », insiste-t-il, soulignant l’urgence de restaurer une mémoire partagée entre la France et l’Afrique.
Commémorer plutôt que régler des comptes
Sur la question d’un éventuel ressentiment envers la France, Diomaye FAYE réfute toute intention de revanche. « Je n’ai pas de compte à régler avec la France. C’est nous, Africains, qui aurions dû, depuis très longtemps, commémorer cet évènement. »
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Il rappelle que les tirailleurs sénégalais, enrôlés parfois de force pour combattre dans des conditions extrêmes, ont été tragiquement abattus en demandant simplement ce qui leur revenait de droit : leurs pécules de guerre. « …C’est un évènement important dans l’histoire des peuples africains. Qu’est-ce qui s’est passé ? Voilà des hommes qui étaient tranquillement ici, il y a eu des guerres de l’autre côté, on est venu les prendre de gré ou de force, on les a emmenés combattre dans des conditions extrêmement difficiles. La reconnaissance qui devrait suivre n’est pas suivie depuis 80 ans. On les a rappatriés ici et quand il s’est agi pour eux de demander des pécules et de rentrer tranquillement s’occuper de leurs familles, ils ont reçu des balles en retour« , déplore-t-il.
La question des réparations
Les demandes de réparations restent au cœur des revendications. Pour Dakar, il ne s’agit pas seulement de reconnaissance symbolique, mais aussi de justice matérielle : « Ces tirailleurs demandaient ce qui leur revenait de droit après la guerre. Les pécules restent dues », a-t-il signifié.
À l’heure où la France amorce une reconnaissance de cet épisode, les attentes africaines sont claires : vérité, justice, et réparation pour des hommes qui ont payé de leur vie leur engagement pour une cause qui, souvent, n’était pas la leur.
Saa Joseph KADOUNO