L’organisation du pouvoir législatif reflète des choix structurants dans la Constitution. La comparaison entre la Constitution guinéenne de 2020, dissoute après le coup d’État de 2021, et l’avant-projet de la nouvelle constitution actuellement en cours de vulgarisation, révèle des évolutions majeures, notamment la création d’un système bicaméral, la réorganisation des mandats et des sessions, et l’intégration d’éléments d’équilibre institutionnel et inclusif.
Structure du pouvoir législatif : Constitution de 2020
Si l’avant-projet conserve certains aspects de la Constitution de 2020, comme la durée des sessions ou l’immunité parlementaire, il introduit des innovations significatives, notamment la diversification des chambres et l’accent mis sur l’équité sociale et la parité.
• L’Assemblée nationale était la seule chambre législative.
• Elle représentait l’unique organe élu pour l’exercice du pouvoir législatif (article 67).
• Les députés étaient élus selon un système mixte : un tiers au scrutin uninominal majoritaire et deux tiers à la proportionnelle nationale (article 70).
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Introduction du bicamérisme avec deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat (article 91).
• Le Parlement est ainsi redéfini comme une institution bicamérale, reflétant une ambition de diversification et de représentativité.
• Les deux chambres sont appelées à se réunir en Conseil de la Nation pour certaines matières spécifiques.
Durée et renouvellement des mandats : Constitution de 2020 :
• La durée du mandat parlementaire était de cinq ans (article 68), avec possibilité de renouvellement.
• En cas de dissolution, des élections législatives devaient être organisées sous 60 jours.
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Le mandat des députés reste fixé à cinq ans, mais celui des sénateurs est porté à six ans (article 92).
• Cette différence vise à garantir une certaine continuité institutionnelle malgré les alternances.
Sessions parlementaires : Constitution de 2020 :
• Une session ordinaire unique, s’étendant du 5 octobre au 4 juillet (article 75).
• Sessions extraordinaires possibles sur initiative présidentielle ou à la demande de la majorité des députés, avec des restrictions concernant leur fréquence et leur ordre du jour (articles 76 et 77).
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Une session ordinaire unique, similaire dans sa durée (du 5 octobre au 15 juillet, article 96).
• Les sessions extraordinaires peuvent être convoquées par le président de la République ou à la demande du bureau de chaque chambre, sur un ordre du jour limité (article 97).
Représentation et inclusion : Constitution de 2020 :
• Pas de mention explicite sur la parité ou l’inclusion dans la composition ou le fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Insistance sur la parité et l’inclusion comme principes régissant la composition et le fonctionnement du Parlement (article 94).
• Organisation annuelle d’une « Conférence des Institutions et des Élus locaux » pour renforcer les liens entre les institutions nationales et les élus locaux (article 93).
Immunités parlementaires : Constitution de 2020
• Les députés jouissaient d’une immunité dans l’exercice de leurs fonctions. Cette immunité était conditionnée à des autorisations spécifiques pour les poursuites en matière pénale, selon qu’ils étaient en session ou non (article 72).
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Maintien des principes d’immunité, mais intégration explicite des sénateurs dans le dispositif (article 100).
• La gestion des immunités est davantage détaillée, avec des mécanismes précisant les cas d’urgence (crime ou délit flagrant).
Fonctionnement interne et gouvernance : Constitution de 2020
• Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale fixait les règles concernant la composition du bureau, les commissions, et le déroulement des débats (article 74).
• Le président de l’Assemblée nationale était élu pour la durée de la législature (article 73).
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Chaque chambre établit ses propres règles de fonctionnement par des lois organiques (article 94).
• Le président de chaque chambre est également élu pour la durée de la législature (article 95).
Publicité des débats : Constitution de 2020
• Les séances étaient publiques, sauf décision contraire prise à la majorité des membres pour tenir des séances à huis clos (article 79).
Avant-projet de la nouvelle constitution
• Maintien des principes de publicité des débats, mais avec une possibilité similaire de huis clos par vote à la majorité simple (article 99).
• Publication des comptes-rendus dans des journaux spécifiques à chaque chambre.
Ainsi, le passage d’un système monocaméral à un système bicaméral constitue une transformation majeure dans l’organisation du pouvoir législatif guinéen. Cette réforme devrait permettre de renforcer l’équilibre institutionnel, la représentativité, et l’inclusion. Cependant, le succès de ces réformes dépendra de leur mise en œuvre et de leur appropriation par les acteurs politiques et la société civile.
Saa Joseph KADOUNO