Des démarcheurs du Centre d’Immatriculation CADAC de Matam, qui travaillent en collaboration avec la société Documents Sécurisés de Guinée (DSD), ont manifesté ce lundi 16 décembre pour dénoncer des pratiques qu’ils jugent arbitraires et pénalisantes. Mamady KABA, l’un des contractuels, a livré un témoignage accablant sur leurs conditions de travail et les obstacles auxquels ils font face.
Les tensions sont montées d’un cran au Centre d’Immatriculation CADAC de Matam. Les démarcheurs, qui facilitent l’immatriculation et la réimmatriculation des engins roulants, ont décidé de se faire entendre après des mois de blocages. Mamady KABA, porte-voix des mécontents, accuse la société DSD, en charge du processus depuis 2021, de multiplier les entraves.
« Aujourd’hui, nous nous sommes levés pour revendiquer. Nous subissons des restrictions inexplicables dans notre travail, particulièrement dans le cadre de la réimmatriculation. Par exemple, certains engins en circulation depuis 1992 ne figurent pas dans le système de la Douane, faute de numérisation à l’époque. Même les véhicules importés entre 2017 et 2021, alors que le système était déjà numérisé, rencontrent des problèmes de régularisation », déplore Mamady KABA.
Selon les démarcheurs, les blocages se multiplient à chaque étape. Mamady KABA pointe notamment l’imposition du Certificat de Mise à la Consommation (CMC) pour des véhicules déjà immatriculés. « Ce document est destiné aux nouveaux engins. Or, ils l’exigent aussi pour des véhicules déjà en circulation. C’est une aberration ! », s’indigne-t-il.
Un autre problème concerne les anciens dossiers. « Lorsque nous venons avec un dossier d’un véhicule ancien, ils prétendent parfois que la voiture n’a pas été dédouanée. Pourtant, ces dossiers ont été traités et les paiements effectués auprès des banques partenaires de DSD. Ils bloquent délibérément pour pénaliser les démarcheurs », accuse-t-il.
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Mamady KABA ne cache pas sa frustration face à ce qu’il qualifie de « sabotage organisé » : « Ils disent que tous les anciens engins immatriculés dans l’ancien système sont des faux. Pourquoi ne pas régulariser ces dossiers, au lieu de nous bloquer ? »
La Douane impliquée ?
Selon les manifestants, DSD aurait même sollicité l’intervention des Douaniers pour renforcer les restrictions. Une accusation réfutée par Mamady KABA, qui rappelle que leur travail se limite à traiter les dossiers en aval. « Ce sont les Douaniers qui libèrent les engins au port. Lorsque nous recevons les documents, on les introduit dans le système. Si ces documents sont bloqués, c’est à cause de DSD, pas de nous », précise-t-il.
Les démarcheurs estiment également subir les contrecoups des scandales financiers à la Douane, notamment le récent détournement présumé de 700 milliards GNF. « On nous traite comme si c’est nous qui avions détourné cet argent, alors que nous n’avons rien à voir avec cette affaire. »
Face à l’enlisement de la situation, les démarcheurs ont sollicité une médiation auprès des chefs de quartier et de secteur. Ces derniers ont confirmé que certains dossiers, bloqués depuis trois mois, continuent de poser problème.
Mamady KABA conclut avec un avertissement : « Si nos revendications ne sont pas satisfaites, nous resterons mobilisés jusqu’à ce que le président de la République soit informé. »
Pour l’heure, la direction de DSD n’a pas répondu à nos sollicitations, promettant des clarifications lors d’un entretien prévu demain. Mais pour les démarcheurs, cette réponse tardive ne suffira pas à calmer leur frustration face à une situation qu’ils jugent intenable.
Des sources anonymes nous apprenent que la situation que dénonce les démarcheurs a été à la base du démantèlement du réseau de corruption présumée de plus de 700 milliards de francs guinéens aux douanes. « Il y avait le dossier d’un travailleur de la présidence qui était bloqué. Ce dernier a remonté les informations à la présidence. C’est ainsi que les gendarmes ont fait une décente à la direction générale des douanes », confie notre source.
Saa Joseph KADOUNO