« …ces entreprises nous considèrent encore comme de simples « pigeons » à exploiter… »
La société Guinea Aluminia Corporation (GAC) est en conflit avec les autorités guinéennes depuis juin 2024 concernant l’implantation d’une raffinerie en Guinée. Selon le ministre du Budget, une convention est déjà en cours de signature avec d’autres partenaires, prêts à accepter les conditions refusées par GAC, notamment la construction d’une raffinerie et la contribution de l’État, allant de 0 à 15 %. Il l’a fait savoir en marge de la plénière portant adoption de la loi de finances initiale 2025 au CNT.
Pour Facinet SYLLA, ministre du Budget, tout remonte à 2004. À cette époque, une convention stipulait que GAC devait construire une raffinerie pour transformer la bauxite en Guinée. Mais depuis, aucun progrès tangible n’a été réalisé. Il revient sur cet historique : « C’est tout l’avenir de la transformation minière de la Guinée qui se joue. Les acteurs avec lesquels nous opérons disposent d’outils de communication qui nous dépassent de loin. En 2004, l’État a tout donné à cette entreprise pour raffiner la bauxite localement. En 2013, aucun progrès n’était visible. Nous leur avons accordé le droit d’exporter de la terre rouge, initialement destiné à la transformation. Aujourd’hui, ils possèdent une raffinerie, la troisième mondiale, mais ailleurs. Pourquoi n’aurions-nous pas le droit à une raffinerie en Guinée ? Nous avons été indulgents, accordant toutes les facilités. Quant aux taxes payées par cette entreprise, elles sont insignifiantes. Avec CBG, nous avons consenti des concessions pour céder des parts à GAC. Pourtant, ces entreprises nous considèrent encore comme de simples « pigeons » à exploiter. Depuis 2021, la situation a changé. Le Général Mamadi DOUMBOUYA a décidé que ces pratiques devaient cesser. Soit vous respectez vos engagements, soit vous partez », a-t-il relaté avec fermeté.
En outre, selon Facinet SYLLA, GAC aurait tenté de corrompre l’État guinéen en proposant un appui budgétaire de 1 milliard de dollars. « Le 21 juin 2024, nous avons invité ces partenaires à signer les termes de la convention, alignés sur ceux du projet Simandou : une participation de l’État de 0 à 15 % et des taxes conformes aux normes de l’OCDE. À notre grande surprise, au moment de finaliser cet accord, ils ont refusé, arguant que la raffinerie n’était pas viable en Guinée. Ils ont même proposé un prêt de un milliard de dollars et envoyé leur ministre des Affaires étrangères. Nous avons refusé cette offre. Nous voulons simplement qu’ils respectent ce qu’ils ont signé. Nous avons décidé de stopper les négociations et envisagé leur expulsion, avant de privilégier la voie de la négociation », a-t-il expliqué.
Pour se défendre, la filiale de la société Émirates Global Aluminium évoquerait le risque de pertes d’emplois, ce que le ministre considère comme du chantage. Selon lui, le gouvernement ne cédera pas. Une convention est d’ailleurs en cours de signature avec d’autres partenaires.
« Pour le moment, leurs exportations et importations sont bloquées pour des raisons techniques. Nous ne céderons pas au chantage des 2 000 ou 3 000 emplois menacés, car cela compromettrait nos engagements pour le projet Simandou. Si nous fléchissons, d’autres compagnies invoqueront les mêmes raisons. Au-delà de GAC, c’est l’avenir de la transformation minière de la Guinée qui se joue. Ce que nous demandons est raisonnable. Nous signons déjà avec d’autres partenaires qui ont accepté toutes ces conditions », a-t-il affirmé.
Il reste désormais à voir si GAC et ses employés quitteront ou non le territoire guinéen.
Mamadou Mouctar SYLLA