UNE FRAGILITE STRUCTURELLE QUI ACCENTUE NOTRE VULNERABILITE
La dependence forte de l’économie guinéenne à l’egard des exportations de matières premières, de l’importation des produits de première nécessité, la prédominance de l’emploi informel, y compris la fragilité des emplois indépendants ainsi que la faiblesse de la production manufacturière augurent de conséquences néfastes pour l’économie guinéenne tant au niveau du secteur privé que pour les ménages et la mobilisation des ressources domestiques.
L’impact multisectoriel du COVID-19 s’est traduit par une baisse de l’activité dans tous les secteurs, particulièrement dans les domaines du commerce, de l’industrie manufacturière, de l’hôtellerie et du tourisme mais aussi, du transport et de l’agriculture pour ne citer que ceux-ci. Cette baisse de l’activité s‘est traduit par des pertes d’emploi, notamment les emplois informels (temporaires, sans contrat de travail, sans sécurité sociale) dans l’agriculture, le commerce, le tourisme et les services en particulier. Les mesures de confinement et la restriction de la mobilité inter urbaine a aggravé les conséquences économiques du COVID en contraignant le transport des biens et services avec pour conséquence des ruptures dans la fourniture des approvisionnements en biens et servicesentraînant uneflambée des prix des produits de premiere nécessité. Tous ces éléments ont induit une baisse des revenus des ménages, de leur pouvoir d’achat et une augmentation de la pauvreté et de la vulnérabilité sociale.
LES MINES COMME UN “COUSSIN D’AIR” POUR AMORTIR LE CHOC
Soutenue par un secteur minier dynamique, l’économie guinéenne a fait preuve d’une résilience inattendue face à la pandémie de coronavirus. Le FMI anticipe que la croissance économique et le niveau d’endettement de la Guinée resteront stables. Toutefois, le gouvernement doit se préparer à des demandes de soutien des entreprises pour accélérer la relance de l’économie.
Les activités du secteur minier en Guinée n’ont pratiquement pas été troublées en 2020, mais, compte tenu de la baisse des prix de la bauxite, la situation est différente en ce qui concerne les recettes publiques et la situation financière des entreprises. Les statistiques publiées en février 2021 par le ministère des Mines et de la Géologie pour l’année 2020 confirment que les exportations de bauxite ont continué d’augmenter pour atteindre 82 millions de tonnes en décembre 2020. Les exportations d’or ont quant à elles bondi de 233 % en 2020, en raison de l’envolée des exportations d’or artisanal (plus 465 %) résultant probablement des restrictions de déplacements (induites par la pandémie et les élections) qui ont réorienté les flux de l’or artisanal vers des canaux plus formels.
La tendance à la baisse du prix de l’aluminium (moins 7 % en 2020 par rapport à 2019) continuera probablement à affecter les prix, puis peut-être la demande de bauxite. Si ce scénario venait à se confirmer en 2021, un ralentissement de la production et des exportations de bauxite guinéenne serait à redouter, ainsi que le risque qu’une partie des 13 539 personnes directement employées dans le secteur se retrouve au chômage. L’exemple de BEL AIR MINING à Boffa en témoigne !
Impact sur les recettes de l’Etat
Pour 4903 milliards de francs guinéens soit 544 millions de dollars américain, les recettes minières représentent 31 % des recettes publiques (selon le rapport ITIE de 2018), et la bauxite correspond à 62 % des recettes minières contre 22 % pour l’or.
Un autre facteur susceptible d’altérer les recettes futures concerne la ligne de crédit de 20 milliards USD sur 20 ans que la Guinée a contractée auprès de la Chine en 2017. Le gouvernement a divulgué des informations sur les deux prêts adossés aux ressources déjà tirés en 2018 de cette ligne. Ces deux prêts, d’un montant respectif de 329 millions EUR et de 186 millions EUR, sont assortis d’une période de grâce de quatre ans. Le remboursement qui s’appuie sur les redevances provenant de la production de trois sociétés minières chinoises est donc censé commencer en 2022, date de livraison des infrastructures que ces prêts ont servi à financer. En raison du ralentissement de ces travaux d’infrastructures à la suite des restrictions de déplacements, ainsi que des répercussions de la pandémie sur les recettes minières publiques, il est peu probable que le plan de remboursement soit respecté.
Cependant, Deux facteurs sont susceptibles d’atténuer les effets de la baisse des prix et de la demande de bauxite sur les recettes publiques en cas de persistance de la pandémie : le maintien de la reprise de l’activité économique en Chine (principal client de la Guinée) ; et le maintien de la tendance à la hausse du prix de l’or (plus 28 % en 2020 par rapport à 2019), associé à des niveaux exceptionnels d’exportation d’or guinéen.
PERSPECTIVES :
LESPERSPECTIVES ECONOMIQUES EN AFRIQUE 2021 : De la résolution de la dette à la croissance une feuille de route pour l’Afriquede la BAD et laDéclaration de Politique Générale duPremier Ministre Chef de Gouvernement Dr Ibrahima Kassory FOFANAH devant le parlement le 7 avril 2021 annoncent les futures orientations des politiques gouvernementales.
Extrait du discours du Premier Ministre : « En dépit d’un contexte mondial de crise, notre économie s’est révélée résiliente grâce au plan de riposte du Gouvernement. Elle connait un rythme de croissance des plus élevés en Afrique subsaharienne avec un taux de 5,2% en 2020 et une estimation d’environ 6% cette année. L’enjeu est désormais de rendre ces performances inclusives et durables. C’est justement le mandat que j’ai reçu avec le Gouvernement que je dirige de Monsieur le Président de la République. Le Président m’a chargé de conduire une politique sociale forte, articulée sur la dynamique du partage de la prospérité économique. »
NOS PROPOSITIONS :
Les priorités de politiques pour accélérer la transformation du pays vers une reprise post-pandémique plus résiliente, inclusive et durable comprennent :
• Un appui continu au secteur de la santé pour consolider les acquis de la lutte contre la pandémie : intensification de la vaccination ;
• Une utilisation efficace des appuis monétaires et budgétaires pour soutenir la reprise économique là où subsiste une marge de manœuvre dans les politiques : un investissement accru dans le domaine agricole pour booster la transformation de notre économie trop dépendante des mines et des importations
• Un élargissement des filets de sécurité sociaux et une croissance plus équitable pour lutter contre une pauvreté croissante : le programme ANIES principalement.
• Une intensification de la transformation structurelle par la digitalisation et la diversification : les initiatives telles que la plateforme e-tax pour la déclaration et le paiement des impôts, le Guichet unique du commerce extérieur GUICEG… sont à renforcer ;
• Le gouvernement a été bien inspiré d’accroître la transparence sur ses prêts adossés aux ressources. Le gouvernement pourrait envisager une revue de ses deux prêts adossés aux ressources. Grâce à la publication des conditions de ces accords en 2020, le gouvernement a créé les conditions pour que l’ensemble des parties prenantes contribue utilement à la réflexion et au débat. Une telle révision peut être justifiée au regard des retards attendus dans la livraison des infrastructures, du risque de baisse des revenus miniers, et du fait que la Chine envisage de rééchelonner la dette de divers pays en réponse aux effets de la pandémie.
• Le gouvernement guinéen devrait envisager de lisser sur plusieurs années les dépenses importantes actuelles issues des fonds miniers de développement (FNDL et FODEL) et encourager la mobilisation des recettes internes même au niveau des collectivités à la base ;
Un encouragement de la coopération régionale et multinationale pour assurer une reprise durable et généralisée.
(Par Mohamed CAMARA Economiste Consultant Fondateur du Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING)