A travers des influenceurs sur des réseaux sociaux (communicants), un homme aurait proposé de donner gratuitement 4000 bazin aux personnes qui se présenteraient devant son magasin. Cet appel a fait mobiliser des milliers de personnes sur la voie publique, perturbant ainsi la circulation, entraînant des bousculades et des atteintes à l’intégrité physique et aux biens. Après avoir avorté ce rassemblement, le Ministère public a interpellé l’organisateur et ses collaborateurs.
Question à répondre : Le donateur du bazin et ses collaborateurs peuvent-ils être condamnés par la justice ?
Nous allons analyser cette question sur la base du code pénal guinéen. Conformément à l’article 621 de cette loi : « Doivent faire l’objet d’une déclaration préalable, toutes réunions publiques, tous cortèges et défilés et, d’une façon générale, toutes manifestations sur les lieux et voies publics ». Ce texte subordonne les manifestations sur la voie publique à l’accomplissement de certaines conditions préalables . Le manquement à ces conditions peut entraîner des condamnations pénales.
Avant d’évoquer ces conditions, il est important de définir la « manifestation ». La loi guinéenne ne la définit. Cependant, si nous prenons le code la sécurité intérieure de la France, copié par le législateur guinéen, nous pouvons trouver une définition. Selon ce code, « Une manifestation est constituée d’un groupe de personnes utilisant la voie publique pour exprimer une volonté collective, un soutien à une cause collective ». Le même code indique que si la manifestation est mobile, « c’est un cortège, si elle est immobile c’est un rassemblement. »
Ainsi la manifestation s’entend à tout rassemblement ou cortège sur la voie publique.
Quant aux conditions de l’organisation des manifestations sur la voie publique, elles tiennent essentiellement à l’obligation de déclaration préalable, de délai et de mise en place d’un comité.
La loi exige que les organisateurs de la manifestation adressent une lettre écrite aux maires 3 jours au moins et 15 jours au plus avant la date prévue pour la manifestation. Toutefois, il faut préciser que les cérémonies religieuses, sportives et traditionnelles sont dispensées de déclaration préalable.
Les organisateurs d’une manifestation doivent mettre en place un comité d’organisation composé de 5 membres. Ce comité a pour rôle d’empêcher des troubles à l’ordre public et la commission des infractions aux lois et règlements.
En l’espèce, l’homme a fait une large communication sur des réseaux sociaux à travers des personnes qualifiées d’influenceurs sur ces canaux, pour annoncer une donation gratuite de 4000 bazin aux personnes qui se présenteraient devant son magasin. Cet appel tendait clairement à un rassemblement sur la voie publique, en connaissance de cause que son magasin ne pouvait pas contenir les bénéficiaires de son don. En usant des influenceurs pour une forte mobilisation autour de son don, l’homme ne pouvait pas non plus ignorer qu’il entreprenait un attroupement sur la voie publique susceptible de troubler l’ordre public, en perturbant la circulation, entraînant des dégâts et des atteintes à l’intégrité physique et aux biens.
D’après l’article 627 de la loi susvisée: « Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public».
Cette infraction est clairement applicable à l’hommes du bazin et ses collaborateurs.
Pour la répression, la même loi prévoit que toute provocation directe à un attroupement non armé, par la parole, discours publique, l’écrit, affiche… est puni d’un emprisonnement d’un an mois à un an, si elle a été suivi d’effet.
En l’espèce, la mobilisation autour du bazin a été suivi d’effet. Des milliers de personnes se sont attroupés et il y’a des perturbations de la circulation, des atteintes aux personnes et aux biens.Par conséquent, les peines susindiquées pourraient s’appliquer à l’homme du bazin et ses collaborateurs.
Kalil Camara, Juriste