Lors d’un débat sur Appel sur l’actualité sur RFI, Aliou BAH, leader du parti MODEL, a déclaré que nulle autorité n’a le droit d’évaluer les partis politiques, tout en ajoutant que le CNRD, organe de transition, n’a lui-même pas « d’agrément ». Une déclaration qui suscite le débat, notamment à la lumière des dispositions de la Charte des partis politiques guinéens, adoptée le 23 décembre 1991. Une analyse des articles de cette loi révèle des obligations légales claires pour les partis politiques, ainsi que les mécanismes de contrôle prévus pour garantir leur conformité.
Obligations de transparence et de gestion financière
L’article 21 impose des exigences strictes en matière de gestion et de transparence financière. Les partis politiques doivent :
« – Maintenir un compte bancaire en Guinée,
– Tenir une comptabilité annuelle,
– Procéder à un inventaire annuel de leurs biens meubles et immeubles. »
En outre, les documents comptables doivent être disponibles à tout moment pour un contrôle du ministère de l’Intérieur. En cas de non-conformité, les partis risquent de perdre l’accès à toute aide financière de l’État et peuvent être exposés à des sanctions plus graves.
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Ces dispositions montrent que les partis politiques ne jouissent pas d’une totale autonomie vis-à-vis de l’État. Leur fonctionnement est conditionné par le respect de ces obligations, conférant ainsi un rôle de contrôle au ministère de l’Intérieur.
Interdiction des financements étrangers
L’article 24 renforce l’encadrement des ressources des partis. Il interdit formellement les « dons et legs » provenant de sources étrangères, qu’elles soient publiques ou privées. Toute infraction à cette règle expose le parti à des sanctions allant jusqu’à la dissolution, comme stipulé dans l’article 29. Par ailleurs, les dons nationaux ne doivent pas « excéder 20 % » des ressources propres du parti. Des limitations qui visent à préserver l’indépendance nationale et à éviter toute influence étrangère dans la sphère politique guinéenne.
Sanctions en cas de non-conformité
Les articles 28 et 29 établissent les sanctions encourues par un parti politique qui ne respecte pas la loi. Une suspension temporaire peut être décidée si un parti ne déclare pas les modifications prévues ou ne présente pas ses documents comptables. Si, après trois mois, les irrégularités persistent, la dissolution est prononcée. Cette décision, bien que prise par le ministère de l’Intérieur, peut être contestée devant la Cour suprême.
Ces mécanismes rappellent que l’État dispose d’un droit de regard sur les partis politiques pour assurer leur conformité aux lois et règlements en vigueur.
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Une déclaration controversée
Dans ce contexte, la déclaration d’Aliou BAH paraît problématique. Affirmer qu’aucune autorité ne peut évaluer les partis politiques revient à ignorer les dispositions légales claires de la Charte. Le contrôle exercé par le ministère de l’Intérieur, prévu par les articles susmentionnés, ne serait pas une ingérence arbitraire, mais une exigence légale visant à garantir le respect des principes démocratiques et républicains.
Quant à l’argument selon lequel le CNRD n’a pas d’agrément, il semble hors sujet. Le CNRD, en tant qu’organe de transition, ne peut être assimilé à un parti politique soumis à la Charte. Son rôle est d’organiser une transition politique et institutionnelle. Comparer la situation du CNRD à celle d’un parti enregistré sous une loi spécifique relève donc d’un raisonnement discutable.
Les déclarations d’Aliou BAH, bien qu’animée par un esprit critique envers les autorités actuelles, semblent ignorer ou méconnaître les obligations légales imposées aux partis politiques en Guinée.
À suivre !
La rédaction