Après le Tchad, la France devra apprêter ses valises pour ses militaires présents au Sénégal. En prélude à la commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais de Thiaroye, Bassirou Diomaye FAYE, président sénégalais, a répondu à une série de questions incisives lors d’une interview accordée à France 2 jeudi 28 novembre 2024. Interpellé sur la présence militaire française au Sénégal, il a livré des propos nuancés, mêlant critique historique et vision pragmatique des partenariats internationaux.
« Et si les rôles étaient inversés ? »
À la question du journaliste français sur la pertinence de la présence militaire française au Sénégal, FAYE a posé une question rhétorique frappante :
« Est-ce qu’en tant que Français, vous envisageriez de nous voir dans votre pays avec des chars ou des véhicules militaires sénégalais en tenue sénégalaise ? »
En rappelant le passé colonial et esclavagiste de la France, il a souligné l’asymétrie historique qui rend difficilement acceptable pour un autre pays d’imposer une présence militaire similaire en France. Cette analogie visait à confronter le public français à une situation hypothétique pour mieux illustrer la sensibilité du sujet dans le contexte sénégalais.
Un départ des troupes françaises envisagé ?
Interrogé sur un éventuel retrait des forces françaises du Sénégal, Diomaye s’est montré prudent, sans exclure cette éventualité.« Il n’y a pas encore de délai de rigueur par rapport à ça. Et si ça doit être fait, ça sera dit aux autorités françaises en priorité, suivant un calendrier établi. »
Une réponse qui révèle une volonté de préserver une approche diplomatique tout en laissant entendre que le Sénégal pourrait, à terme, reconsidérer cette présence en fonction de ses propres priorités stratégiques et géopolitiques.
La France face à une concurrence accrue
Tout en qualifiant la France de « partenaire privilégié », le nouveau président sénégalais a insisté sur l’évolution des relations internationales du Sénégal, marquées par une diversification des partenariats.
« Nous sommes devenus plus offensifs dans la conquête d’autres partenariats […] Nous nous ouvrons à l’Asie, au Moyen-Orient, aux pays du Sud, et davantage aux pays occidentaux. »
Cette diversification, selon FAYE, reflète un contexte où la mise en concurrence des offres étrangères est désormais la norme. Il a rappelé à la France qu’elle ne peut plus se contenter de son statut historique privilégié, mais doit « offrir plus et offrir mieux » pour rester compétitive face à des acteurs tels que la Chine ou la Russie.
Un partenariat en mutation
Loin de rejeter la France, Bassirou Diomaye FAYE a clarifié que le Sénégal demeure ouvert à des relations bilatérales solides, mais dans un cadre équitable et bénéfique pour son peuple. Cette vision met en montre une nouvelle fois une Afrique en quête de souveraineté renforcée et de diversification stratégique.
La réponse du président sénégalais qui a promis la rupture avec l’ancien système, illustre une nouvelle dynamique dans les relations franco-sénégalaises : un partenariat historique, mais soumis aux réalités contemporaines d’un monde multipolaire. Alors que le Sénégal célèbre la mémoire des tirailleurs sénégalais et questionne l’héritage colonial, ses dirigeants rappellent que l’avenir des relations avec la France dépendra de leur capacité à répondre aux aspirations d’un pays en pleine mutation.
Un jeudi noir pour la France
S’il a garder l’ambiguïté avec France 2, Bassirou Diomaye FAYE, sur la même question avec l’AFP, il a fait savoir que « le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain ».
Ces déclarations interviennent en simultané avec le communiqué du Tchad mettant fin à l’accord de coopération militaire avec la France.
Saa Joseph KADOUNO