L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a récemment annoncé l’initiative de son pays (qui n’est pas une nouveauté) visant à réformer la structure du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Lors d’une intervention intervention, elle a mis en avant la nécessité d’accorder à l’Afrique une représentation permanente au sein de l’une des instances décisionnelles les plus puissantes du monde.
Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique tendu, marqué par la guerre d’influence entre la Russie et les États-Unis sur le continent africain.
Depuis plusieurs années, les dirigeants africains, à l’instar de l’ancien président sénégalais Macky SALL, plaident pour une réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, réclamant une place plus importante pour l’Afrique dans les cercles décisionnels mondiaux. À ce jour, l’Afrique ne dispose que de trois sièges temporaires au sein du Conseil, bien que le continent représente près du tiers des membres de l’ONU.
Les propositions des États-Unis
Dans son discours, Linda Thomas GREENFIELD a réaffirmé l’engagement des États-Unis à rectifier cette injustice historique. Elle a rappelé que le président Joe BIDEN avait, il y a deux ans, soutenu l’idée d’un élargissement du Conseil de Sécurité, incluant des sièges permanents pour l’Afrique. Elle a annoncé que les États-Unis vont proposer deux sièges permanents pour les pays africains.
« Il y a deux ans, le président [Joe] BIDEN annonçait que les États-Unis soutiendraient l’élargissement du Conseil de sécurité pour donner une représentation permanente aux pays d’Afrique. Après cette annonce, je me suis tourné dans ce que j’appelle la tournée d’écoute sur le continent pour voir comment nous pourrions faire en sorte que la vision présidentielle devienne une réalité.Il est temps de réaliser des changements. Aujourd’hui, j’annonce que les États-Unis vont proposer trois changements au sein du conseil de sécurité. Et d’abord, je vais commencer avec l’Afrique. C’est pourquoi en plus des postes de membres non permanents, les États-Unis proposent deux sièges permanents pour l’Afrique au sein du Conseil », a-t-elle affirmé.
Ces propositions s’inscrivent dans une démarche visant à rendre le Conseil plus représentatif des réalités géopolitiques actuelles. Cependant, l’ambassadrice a écarté la possibilité pour ces sièges d’être assortis du droit de veto, une disposition à laquelle l’Afrique, bien qu’opposée en principe, continue de revendiquer tant que cette prérogative demeure.
Plus de 20 ans de plaidoyers africains
Depuis plus de deux décennies, les voix africaines se sont élevées pour dénoncer l’injustice d’une sous-représentation du continent au sein du Conseil de Sécurité. Macky SALL, alors président du Sénégal et de l’Union Africaine, avait prononcé un discours fort à la 77e session ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU en 2022. Il avait souligné l’urgence d’une réforme du Conseil, en rappelant le Consensus d’Ezulwini, un accord conclu en 2005 par l’Union africaine, exigeant deux sièges permanents et cinq sièges non permanents pour l’Afrique, ainsi que l’octroi du droit de veto aux nouveaux membres permanents.
Un article sur l’annonce de Linda Thomas GREENFIELD, ambassadrice des États-Unis à l’ONU. Elle a quand-même écarter l’idée du droit de véto. À faire le lien avec les réclamations incéssantes des dirigeants africains à ce sujet depuis plus de 20 ans comme Maky SALL. L’Afrique représente près du tiers des membres de l’ONU.
Faire le lien aussi avec la guerre d’influence entre la Russie et les États-Unis sur le continent africain. La Russie a également réclamé une meilleure représentativité de l’Afrique au conseil dans un contexte de guerre asymétrique entre les deux puissances en Ukraine
« Il y a deux ans, le président [Joe] BIDEN annonçait que les États-Unis soutiendraient l’élargissement du Conseil de sécurité pour donner une représentation permanente aux pays d’Afrique. Après cette annonce, je me suis tourné dans ce que j’appelle la tournée d’écoute sur le continent pour voir comment nous pourrions faire en sorte que la vision présidentielle devienne une réalité. Le Secrétaire d’État et son équipe se sont éngagés à Washington à informer les autres capitales de ce projet.
Il est temps de réaliser des changements. Aujourd’hui, j’annonce que les États-Unis vont proposer trois changements au sein du conseil de sécurité. Et d’abord, je vais commencer avec l’Afrique. C’est pourquoi en plus des postes de membres non permanents, les États-Unis proposent deux sièges permanents pour l’Afrique au sein du Conseil. C’est que que recherche nos partenaires africains. Et nous pensons que c’est ce qui est juste. Il est donc temps pour le leadership africain d’avoir aussi une place permanente au sein du conseil de sécurité »
« Près de quatre-vingts ans après la naissance du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est temps d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps.
Déclaration de l’ancien président sénégalais et de l’Union africaine à la 77e session ordinaire de l’Assemblée Générale de l’ONU le 20 septembre 2022.
« Près de quatre-vingts ans après la naissance du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est temps d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps. Il est temps de vaincre les réticences et déconstruire les narratifs qui persistent à confiner l’Afrique à la marge des cercles décisionnels. Il est temps de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de Sécurité, telle que reflétée dans le Consensus d’Ezulwini – la pleine représentation de l’Afrique au Conseil de Sécurité signifie au moins deux sièges permanents avec tous les privilèges et prérogatives des membres permanents y compris le droit de veto et cinq sièges non permanents« .
Les réclamations africaines sont fondées sur des réalités historiques et démographiques : le continent est composé de 54 pays et représente environ un tiers des membres de l’ONU. Pourtant, il reste marginalisé dans les processus de décision. La pleine représentation de l’Afrique au sein du Conseil de Sécurité est une question de justice globale, comme l’avait rappelé Macky SALL.
« …si l’Afrique s’oppose en principe au maintien du droit de veto, elle pense que c’est une question de justice pour tous et que tant qu’il existera, il doit être accordé à tous les membres permanents, anciens et nouveaux ».
La guerre d’influence russo-américaine sur le continent
Cette proposition américaine intervient dans un contexte géopolitique marqué par une guerre d’influence qui bat son plein entre les États-Unis et la Russie en Afrique. Les deux puissances cherchent à renforcer leurs alliances sur le continent, où les ressources naturelles et les opportunités économiques sont en jeu.
En début d’année, la Russie, a plaidé pour une représentation accrue de l’Afrique au sein des instances internationales, y compris au Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce soutien russe s’inscrit dans une stratégie plus large de conquête de l’influence africaine, en opposition aux efforts occidentaux, dans le contexte du conflit en Ukraine. Moscou a multiplié ses interventions en faveur d’une réforme du Conseil de Sécurité, tout en intensifiant sa coopération économique et militaire avec de nombreux États africains.
La rivalité entre les deux puissances sur le continent exacerbée par la guerre en Ukraine et les sanctions internationales imposées à la Russie ne cesse de croître. Les récents sommets russo-africains et les engagements américains, notamment à travers la récente tournée de Linda Thomas GREENFIELD, montrent à quel point l’Afrique est devenue un terrain d’affrontement diplomatique entre ces deux acteurs.
L’initiative des États-Unis de proposer des sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de Sécurité est une avancée significative qui répond aux demandes de longue date des dirigeants africains. Mais cette nouvelle dynamique ne pourra se concrétiser sans une réforme véritable et inclusive des institutions internationales.
Saa Joseph KADOUNO