La disparition mystérieuse d’Oumar SYLLA et de Mamadou Bilo BAH, figures emblématiques du FNDC, suscite une vive inquiétude au sein des instances internationales. Dans une note incisive, la Rapporteuse spéciale des défenseurs des droits de l’Homme et le Groupe de travail sur les disparitions forcées de l’ONU dénoncent de graves allégations d’enlèvement et de détention arbitraire, qualifiées de potentielles violations des droits humains fondamentaux. Ces expertes appellent le gouvernement guinéen à clarifier leur sort et à respecter ses engagements internationaux. Elles rappelent que la disparition forcée constitue un crime inexcusable, interdit en toutes circonstances. Une mise en demeure qui place les autorités face à leurs responsabilités. Nous vous proposons un extrait de cette note datant du mardi, 26 novembre 2024.
« …Le sort de M. Sylla et de M. Bah et le lieu où ils se trouvent restent inconnus.
Sans vouloir à ce stade nous prononcer sur les faits qui nous ont été soumis, nous exprimons notre profonde preoccupation par les graves allégations d’enlèvement et de disparition forcée du M. Sylla et M. Bah.
Si ces allégations s’avéraient confirmées, le Gouvernement de votre Excellence aurait gravement violé les droits humains fondamentaux et ses engagements en matière de droit international des droits de l’homme, y compris la prohibition de disparition forcée et de détention arbitraire.
Nous rappelons que la prohibition de la disparition forcée a atteint le statut de jus cogens, et nous attirons l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Déclaration établit qu’aucun État ne doit commettre, autoriser ou tolérer des actes conduisant à des disparitions forcées, ct proclame que aucune circonstance quelle qu’elle soit ne peut etre invoquée pour justifier des disparitions forcées.
Nous attirons |’attention du Gouvernement de votre Excellence sur les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Guinée le 24 janvier 1978, conformément et en liaison avec l’article 2.3 qui garantissent le droit à la vie et à la liberté et à la sécuritê de sa personne, et l’article 7, qui interdit la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le doit à la reconnaissance juridique, et le droit à un recours utile.
En ce qui concerne le droit à la vie, le Comité des droits de l’homme établit, dans son Observation générale numéro 36 (CCPR/C/GC/36 para. 57-58), que « le non-respect des garanties de procédure énoncées aux paragraphes 3 et 4 de 1’article 9 et destinées notamment à prévenir les disparitions peut également constituer une violation de l’articlc 6 ». De même, Ie Comité observa que « La disparition forcée constitue un ensemble unique et intégré d’actes et d’omissions représentant une grave menace pour la vie. Le fait de priver une personne de liberté puis de refuser de reconnaitre cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est responsable. » Il constitue donc une violation du droit à la vie ainsi qu’une violation d’autres droits reconnus par le Pacte, en particulier par l’article 7, l’article 9 et l’article 16 (droit à la reconnaissance de la personnalité juridique).
L’article 9 garantit le droit de toute personne à la liberté et à la sécurité, y compris l’interdiction de l’arrestation et la détention arbitraire, le droit de toute personne arrêtée d’être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation, et le droit de toute personne arrêtée d’être traduite dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires.
Nous rappelons que le Comité des droits de l’homme, dans leur observation générale n35 (CCPR/C/GC/35), ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, dans sa jurisprudence, ont précisé que toute arrestation ou détention d’un individu en raison de l’exercice légitime de ses droits et libertés garantis par Ie PIDCP peut être considérée comme arbitrairc. Selon la jurisprudence du Groupe de travail sur la détention arbitraire, les défenseurs des droits humains constituent un groupe protégé dont les membres ont le droit à une protection égale de la loi en vertu de l‘article 26 du Pacte. En outre, le Groupe de travail a conclu que la détention de défenseurs des droits humains cn raison de leur qualité de défenseurs des droits humains est discriminatoire et, par conséquent, arbitraire.
Vous trouverez les textes complets relatifs aux instruments juridiques et autres standards établis en matière de droits de l’homme sur le site internet à l’adresse suivante www.ohchr.org. Nous sommes également en mesure de vous fournir ces textes sur demande.
Au vu de l’urgence du cas, nous saurions gré au Gouvernement de votre Excellence de nous founir une réponse sur les démarches préliminaires entreprises afin de protéger les droits de M. Sylla et M. Bah.
Comme il est de notre responsabilité, en vertu des mandats qui nous ont été confiés par le Conseil des droits de l’ homme, de solliciter votre coopération pour tirer au clair les cas qui ont été portés à notre attention, nous serions reconnaissantes au Gouvernement de votre Excellence de ses observations sur les points suivants :
1. Veuillez nous transmettre toute information ou tout commentaire complémentaire en relation avec les allégations susmentionnées.
2. Veuillez fournir l’urgence des informations sur le sort de M. Sylla et M. Bah et sur le licu où ils se trouvent. S’ils sont privés de liberté, veuillez fournir des informations sur les raisons de fait et de droit de leur détention, l’accès des détenus à leurs familles et représentants, ainsi que sur leur état de santé3. Veuillez nous fournir les détails et, le cas échéant, les résultats de toute enquête et recherche ou autre qui ont pu être menées pour identificr les auteurs de l’enlèvement ct la disparition forcée présumée des M. Sylla et M. Bah. Si le ou les auteurs présumés ont été identifiés, veuillez également préciser si des sanctions pénales ou des mesures disciplinaires leur ont été imposées.
Cette communication, ainsi que toute réponse reçue du gouvernement de votre Excellence, seront rendues publiques dans un délai de 60 jours sur le site internet rapportant les communications. Elles scront également disponibles par la suite dans le rapport habituel présenté au Conseil des Droits de l’Homme.
À cet egard, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires peut également transmettre des cas dans le cadre de sa procédure humanitaire. Le gouvernement est tenu de répondre séparément aux communications générales des Procédures spéciales à la procédure humanitaire du Groupe de travail… »