Dans une interview accordée à RFI ce jeudi 26 septembre 2024, Amadou Oury BAH, Premier ministre du gouvernement de transition guinéen, a pris position sur la question sensible de l’éventuelle candidature du président de la transition, Mamadi DOUMBOUYA, lors des prochaines élections.
Plusieurs membres du gouvernement ont déclaré qu’il n’y avait aucune entrave juridique à cette candidature, même si DOUMBOUYA avait prêté serment sur la charte de la transition, promettant de ne pas se porter candidat.
La Constitution prime sur la charte de la transition
Amadou Oury BAH a d’abord tenu à rappeler que la future Constitution, une fois « adoptée », sera au-dessus de toutes les autres considérations, y compris la charte de la transition. Pour lui, la charte, bien que symboliquement importante, n’aura donc plus aucune valeur juridique. « Ce qui est essentiel, c’est la Constitution. Elle doit être au-dessus de toute considération personnelle. À partir du moment où la Constitution sera adoptée, la charte n’aura aucune actualité », a-t-il affirmé. Ainsi, toute personne, homme ou femme, « remplissant les critères » définis par la nouvelle Constitution pourra se porter « candidat ou candidate ».
Le cas d’Amadou Toumani Touré : un exemple à suivre ?
À la question de savoir si Mamadi DOUMBOUYA devrait suivre l’exemple de l’ancien président malien Amadou Toumani TOURÉ, qui avait renoncé à toute participation politique à la fin de la transition au Mali, Amadou Oury BAH a exprimé une divergence d’opinion. Pour lui, cette approche, bien que compréhensible, ne correspond pas nécessairement à la réalité guinéenne. Il critique la tendance personnalisante des débats politiques en Guinée, ce qui, selon lui, détourne l’attention des questions fondamentales.
« Vous savez, en Guinée, on a tendance à tout personnaliser et laisser l’essentiel de côté », a-t-il déclaré. Le Premier ministre estime que l’important est d’établir une base démocratique solide en discutant des aspects les plus cruciaux du texte constitutionnel plutôt que de se concentrer sur les individus.
Candidature de Mamadi DOUMBOUYA : « pourquoi pas ? »
Lorsque la question de la candidature de Mamadi DOUMBOUYA a été soulevée, Amadou Oury BAH a clairement affirmé qu’il n’y avait pas de raison pour que DOUMBOUYA soit exclu. « Je dis pourquoi pas ? Parce que c’est la liberté de chaque citoyen en capacité d’incarner une certaine vision de la Guinée d’aujourd’hui et de demain d’être candidat ou d’être candidate », a-t-il répondu s’alignant ainsi sur la même position que celle de plusieurs membres du gouvernement qui ont ouvertement soutenu l’idée que DOUMBOUYA pourrait légitimement briguer un mandat présidentiel.
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L’opposition à la candidature de DOUMBOUYA : une distraction ?
Enfin, sur la question de savoir s’il est pertinent de maintenir une élection si Mamadi DOUMBOUYA est candidat, face à une opposition farouche de certains groupes politiques, BAH Oury a dénoncé la « personnalisation excessive » du débat. Pour lui, ce type de discussion est contre-productif et ne fait que nourrir les conflits et les retards dans le processus de transition.
Il appelle plutôt à recentrer les débats sur des projets concrets et structurants pour l’avenir de la Guinée, comme l’agriculture ou la lutte contre la migration clandestine. « Ce sont des questions de ce genre qui méritent d’être exposées et non : tel est candidat, tel n’est pas candidat – ce sont des aspects périphériques », a-t-il conclu.
Les déclarations du Chef du gouvernement ne sont pas de nature à temporiser le climat politique déjà électrique, même s’il semble calmer le jeu en appelant à surpasser les considérations parrisanes.
Saa Joseph KADOUNO