Le collectif d’avocats des victimes et parents des victimes du drame survenu le 1er décembre 2024 au Stade de N’Zérékoré est monté au créneau ce vendredi 21 mars 2025, lors d’une conférence de presse à la Maison de la Presse de Conakry. Ils accusent le procureur de la République de N’Zérékoré de faire obstruction à leur plainte déposée depuis le 10 mars 2025. Ils exigent des poursuites judiciaires contre les responsables de cette tragédie qui, selon un consortium d’ONG, aurait fait 140 morts et 11 disparus, tandis que le gouvernement avance un bilan provisoire de 56 morts.
Lors de cette conférence, Me Pépé Daniel, l’un des avocats du collectif, a exprimé son indignation face à l’inaction des autorités judiciaires : « Nous avons été très sidérés de constater que ces faits d’une ampleur hors du commun, où plus de 100 et quelques personnes meurent, n’aient pas poussé le ministère public à déclencher l’action publique, du 1er décembre 2024 jusqu’au 10 mars 2025, date à laquelle nous avons déposé une plainte régulière. Ça laisse tout deviner », a-t-il déclaré.
Selon lui, la lenteur judiciaire dans ce dossier est un indicateur du manque de volonté des autorités de faire la lumière sur cette catastrophe. Face à cette situation, il met en garde : « Si les juridictions guinéennes n’acceptent pas de situer les responsabilités dans cette procédure, nous avons le droit de saisir la Cour Pénale Internationale (CPI). À l’avènement du 5 septembre 2021, les nouvelles autorités ont affirmé que la justice servirait de boussole pour notre nation. C’est une lourde responsabilité pour le ministre de la Justice.Nous espérons que des instructions fermes seront données afin qu’une suite soit enfin donnée à notre plainte. »
De son côté, Me Pépé David dénonce une obstruction manifeste du procureur de N’Zérékoré, qui aurait clairement affirmé ne pas vouloir poser d’actes dans cette affaire. Il rappelle que la loi impose un délai de huit jours au parquet pour répondre à une plainte, un délai qui est largement dépassé sans aucune réaction des autorités locales. « Le procureur de la République a expressément déclaré qu’il n’entend poser aucun acte. Les 8 jours prévus par la loi sont largement expirés. Nous avons donc décidé, en accord avec nos clients, d’appliquer l’article 51 qui nous permet de saisir le procureur de la République de Kankan, hiérarchiquement supérieur à celui de N’Zérékoré. Nous espérons qu’il pourra enjoindre le parquet de N’Zérékoré d’ouvrir des poursuites. »
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Cette démarche vise, selon lui, à contourner ce que les avocats considèrent comme un « classement déguisé » de l’affaire, une situation qu’ils jugent inacceptable au regard de la gravité des faits.
Avec la menace d’un recours à la CPI, ce dossier pourrait prendre une dimension internationale. Elle met à l’épreuve les engagements du gouvernement en matière de justice et de respect des droits humains. Les regards sont désormais tournés vers le ministère de la Justice et le procureur général de Kankan, dont la réaction sera déterminante pour la suite de cette affaire.
Saa Joseph KADOUNO