En Guinée, la transition militaire en cours dans le pays doit normalement se terminer le 31 décembre 2024 selon le chronogramme. Malheureusement, le processus prend du retard et aucune communication officielle sur sa prolongation ou non, même si des élections ont été annoncées pour 2025. Dans un débat de l’émission Appel sur l’Actualité de RFI organisé lundi 18 novembre 2024 à Conakry sur les trois ans après le coup d’État, l’acteur politique Aliou BAH a déclaré être déçu du CNRD qui, selon lui, « n’a pas d’agrément » et a, sans doute, « un agenda caché ».
Cette déclaration d’Aliou BAH fait référence à l’évaluation des partis politiques initiée par le CNRD. À l’entame du débat, le leader du parti MODEL a d’abord rappelé qu’il n’était pas surpris du coup d’État du 5 septembre 2021 à cause du mauvais état dans lequel se trouvait le pays sous la gouvernance de l’ancien président déchu, le professeur Alpha CONDÉ. Mais ce qui l’a le plus choqué, c’est quand ceux-là mêmes qui alimentaient le système déchu se sont présentés au peuple de Guinée comme responsables du coup d’État. Aliou BAH se souvient malheureusement de ce qu’il qualifie de mauvaise répétition de l’histoire.
« En 84, le système a généré ce qu’il a fait chuter, en 2008, c’était la même chose et les forces spéciales en 2021 étaient l’émanation du régime d’Alpha CONDÉ. Donc, il n’y avait pas de raison de croire que ça pouvait être différent. Néanmoins, on s’était donné de l’espoir car la fin du troisième mandat était une satisfaction pour nous mais, nous sommes restés vigilants et prudents et je crois que le temps nous a donnés raison », a-t-il regretté tout en citant certains points sur lesquels les nouvelles autorités sont passées à côté, notamment l’évaluation des partis politiques.
À ce niveau, Aliou BAH dénonce deux anomalies majeures ayant entaché cette mesure. La première, selon lui, c’est le fait que les partis politiques guinéens soient récemment évalués par les autorités de la transition militaire à travers le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation, ce qui est hors la loi, selon le président du MODEL.
« Il n’appartient pas à une autorité d’évaluer des partis politiques, ce sont les électeurs qui évaluent un parti politique », a-t-il souligné.
L’autre anomalie, selon Aliou BAH, concerne les critères d’évaluation, qu’il juge prétentieux. « Sur la base de quoi cette évaluation a été faite? C’est prétentieux. D’ailleurs le terme lui-même, nous l’avons dénoncé. Et lorsque nous avons regardé la procédure elle-même, nous nous sommes rendus compte qu’en réalité, il y a un agenda caché. On nous reproche par exemple des questions de forme, on vous dit que vous n’avez pas paraphé toutes les pages de vos états financiers. Alors que de façon très simple, lorsque l’administration a besoin de vérifier les comptes d’un parti politique, vous avez juste à interroger la banque et voir la réalité des états financiers, vous n’avez pas besoin de faire de bruit pour cela », a déploré l’acteur politique.
Il a poursuivi en dénonçant que le ministère tient plus de discours politique qu’un discours technique et qu’en réalité, une sorte de menace plane sur les partis politiques.
Parlant de menace, Aliou BAH rappelle le cas des activistes de la société civile enlevés il y a plusieurs mois et sans aucune nouvelle d’eux. « Depuis le 9 juillet, Foniké Menguè et Bilo BAH, deux membres du FNDC, sont introuvables », a dénoncé le président du MODEL.
Ce qui est sûr pour Aliou BAH, c’est que la date du 31 décembre est celle qui est reconnue de façon officielle comme délai légal pour la fin de la transition militaire en cours en Guinée. « Le chef de la junte, le général Mamadi DOUMBOUYA, avait dit clairement qu’il ne passerait pas un jour de plus à la tête de la Guinée après le 31 décembre. Jusqu’à preuve du contraire, nous nous en tenons à ça », a-t-il rappelé.
Mais à mesure que les échéances approchent, le silence du CNRD s’épaissit et alimente les spéculations. Cette fois encore, les leçons du passé risquent de rester lettre morte.
Tamba Justin LÉNO