Situé dans la lointaine et enclavée Guinée forestière, dépendant de la construction du coûteux Transguinéen pour son évacuation par rail et déjà entaché de nombreux scandales de corruption sans qu’un seul gramme de métal ne soit sorti de ses entrailles, le Simandou a longtemps été rangé dans la catégorie des « serpents de mer » de l’industrie extractive africaine.
Il n’en est désormais plus un, puisque selon nos informations, un terrain d’entente a été trouvé dans la soirée du 13 avril pour concrétiser l’entrée de Baowu Steel, au capital de Winning Consortium Simandou (WCS). « Il reste quelques documents à parapher et des traductions à faire », glisse à Jeune Afrique une source proche du dossier.
Le géant chinois, en embuscade sur le projet depuis longtemps, désireux de diversifier ses sources d’approvisionnement, a signé le 6 septembre dernier, en Chine, avec WCS, un accord contraignant d’investissement qui a changé la donne. Ce dernier, opérateur des blocs 1 et 2 de Simandou, s’engage à céder 49 % de ses filiales dédiées au port, au rail et à la mine, avec l’option de grimper jusqu’à 51 % quand le gisement commencera à produire.
Un engagement à 15 milliards de dollars
Ce deal qui porte sur un peu plus d’un milliard de dollars va surtout permettre le déblocage de prêts de montants autrement plus importants des banques chinoises CDB, ICBC et Eximbank of China, garantis par l’organisme public d’assurance crédit Sinosur. De quoi permettre la reprise des travaux sur place pour un montant global de plus de 15 milliards dollars.
L’engagement ferme pris dès septembre par Baowu Steel dans le WCS a également permis la signature de l’accord d’investissement de Rio Tinto Simfer, opérateur des blocs 3 et 4 du Simandou, dans WCS. Celui-ci porte sur une prise de participation de 34 % par la filiale de Rio Tinto dans WCS Rail et WCS Ports.
De leur côté, les autorités guinéennes travaillent d’ores et déjà à la création d’un fonds de stabilisation qui sera abondé par les futures recettes de la mine. Celles-ci sont estimées à 1 milliard de dollars par an une fois le rythme de croisière atteint à partir de 2040. Une révolution pour le budget du pays compris entre 3,5 et 4 milliards de dollars.
Le rôle clé du colonel Doumbouya
Deux événements importants ont contribué à cet alignement des planètes : l’arrivée du chinois Winning (en co-entreprise avec la Société Minière de Boké) dans la bauxite guinéenne, et la prise du pouvoir à Conakry par le colonel Mamadi Doumbouya, en 2021.
Fort de son expérience dans la bauxite, SMB-Winning remporte en 2019 l’appel d’offres organisé par l’État (conduit alors par le président Alpha Condé) pour réattribuer les blocs 1 et 2. Le Winning Consortium Simandou (WCS) nouvellement formé va alors avancer au pas de charge, en particulier sur le volet de la construction de la voie ferrée déléguée à China Railway.
Une évolution suivie de très près par Rio Tinto qui, en octobre 2021, à peine un mois après le coup d’État fomenté par le colonel Doumbouya, officialise sa décision de « revenir » au Simandou. Le groupe basé à Londres fait valoir à Conakry que les Chinois ne peuvent pas contrôler »seuls » le secteur ferrifère du pays. En parallèle, Doumbouya, distingué parmi la liste « 20 Mining Influentials » établie par Africa Business+ (Jeune Afrique Media Group) en janvier, pour son rôle clé dans la relance du projet, va mettre tout le poids de l’État dans la balance. Il négocie une participation gracieuse de 15 % de l’État dans les infrastructures, en même temps qu’il contraint Winning et Rio à s’entendre sur l’exploitation commune des infrastructures.
La renaissance du projet
Début février 2024, le Parlement guinéen adopte la convention relative au co-développement des installations ferroviaires et portuaires du projet Simandou en plus des deux conventions portant sur l’exploitation respective des permis 1 & 2, et 3 & 4. La date d’entrée en production de la mine, fixée par Doumbouya à en mars 2025, est toujours d’actualité.
Qu’il paraît loin le temps où, en 2016, Rio Tinto, positionné sur le Simandou depuis 1997, signifiait son intention de se retirer, de vendre ses permis à son partenaire Chinalco, puis suspendait, en 2018, ses activités de recherche sur le terrain… À cette période, le producteur de fer croulait sous les enquêtes pour corruption au titre de ses activités en Guinée. Comme BSGR avant lui, l’entité de Beny Steinmetz, qui a fini par être condamnée, et à qui les autorités guinéennes retirèrent, en 2014, les blocs 1 & 2 peu après l’interruption de sa collaboration avec le brésilien Vale. Le projet semblait alors bel et bien enterré. Il n’en était rien.
Jeune Afrique