Je l’ai connu en 2009 à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia. Il était à l’époque jeune enseignant assistant à la Facultés de Droit et des Sciences Politiques. Il ne passait pas inaperçu. « Kôrô Maurice » (c’est ainsi que je l’appelais) lorsque vous le rencontriez, il vous captivait par une chose : sa voix. Et Oui, il avait une voix unique, roque, mais d’une éloquence pas possible. Dans un débat, il veut toujours prendre le dessus, il était un leader naturel. Partout, il fallait qu’il commande.
A l’Université de SONFONIA les
Jeune étudiant à l’époque, nous préparions nos festivités pour la fin de notre cycle universitaire et lui Maurice était entrain de mettre en place des mécanismes pour fédérer toutes les activités culturelles et sportives. Il lui fallait des soutiens, c’est alors qu’il m’a personnellement approché, ensuite, il a cherché à rencontrer tous les présidents des différentes commissions d’organisation des festivités de fin de cycle de l’université.
Je me souviens au cours de nos nombreuses réunions dans son bureau du Bâtiment L, près du département Fanco-Arabe, à l’époque, Maurice seul contre tous, défendait son projet bec et ongle, face à des oppositions parfois farouches de certains présidents qui ne désiraient pas associer leurs festivités à celles des autres. Je ne sais par quelle magie, il réussissait toujours à rallier tout le monde dans son camp. L’une de ses forces, était de repérer les personnes qui ne partageaient pas sa vision et en faire ses amis. Vous les trouviez en désaccord, la veille et le lendemain, il vient avec la personne main dans la main. Je l’avoue, c’est dans l’une de ces circonstances qu’on s’est connu. Il avait réussi à me convaincre par des arguments et une force de persuasion dont lui seul détenait le secret.
Une fois, je me souviens, nous avions une réunion ultime, il y’avait des tensions en l’air, par rapport à une histoire de fonds dédiés aux festivités donné par le Rectorat. Il se savait attendu par tous. Devant son bureau le matin, chacun l’attendait pour en découdre avec lui. D’abord, il ne viendra pas à l’heure indiquée, il mettra assez de temps. Ensuite, il passe des coups de fil à des soutiens qu’il avait parmi nous, pour savoir quelle était l’atmosphère sur place. Puis, quand il a eu le sentiment que les gens s’étaient un peu calmés, on l’a vu venir dans sa petite voiture de sport grise de marque volkswagen (celle là je ne l’oublierai jamais). Il descendit avec un sourire au coin des lèvres, il m’a soufflé à l’oreille en langue kpèlè « Ga kpè yignan diyé kélé » qui signifie en français « je vais finir avec ceux-là aujourd’hui ». Je me suis dit mais lui de quoi il parle ? Et effectivement, il est venu avec une stratégie qui a empêché tous ses détracteurs de l’attaquer.
Voici sa technique : il avait, au préalable, échangé avec certains de ses petits dans le groupe au téléphone, pour savoir qui étaient les opposants les plus farouches et en même temps glané des informations. Au lieu de passer la parole pour écouter ce qu’on avait, à lui reprocher, c’est d’abord lui qui a commencé à parler. Il est passé à l’offensive en se présentant en victime. Il indexe certains, il accuse d’autres, puis il menace de tout arrêter sur un ton assez sérieux et avec un air de sérénité incroyable. Au lieu de se plaindre, les gens se justifiaient, d’autres demandaient de ne pas tout arrêter, les dates indiquées étant déjà là.
A la fin, chacun a rejoint sa classe. En rentrant à la maison, je l’ai trouvé dans la cour entrain de causer, j’ai dit « grand tu es fort, han » il a souri et il m’a dit « petit tu n’as rien vu encore ».
La suite, nous la connaissons, plus tard, il réussira à organiser, à partir de 2010 les festivités communes de fin de cycle avec toutes les promotions. Et la réussite était toujours au rendez-vous.
Ses œuvres à l’Université de Sonfonia
Le Rectorat, à l’époque dirigé par le Professeur Mamadi Kourouma lui confiera la section culturelle et sportive de l’université qui deviendra une direction, plus tard (cela malgré les opposions de certains doyens qui le trouvaient trop jeune pour occuper ce poste). Avec Maurice, on a assisté à la cérémonie d’accueil des nouveaux étudiants qui est devenu une tradition au stade de l’université. Avec Maurice, l’Université de Sonfonia organisait chaque année un tournoi dans diverses disciplines, surtout le football entre les différents départements. Avec Maurice, l’Université de Sonfonia a remporté des trophées interuniversitaires en Basket et en Football. Dans le bureau du recteur de l’Université, les trophées se comptent par dizaines.
Les Jeux Universitaires
C’est fort de son bilan nettement positif à Sonfonia qu’il va approcher et convaincre le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique de créer une direction Nationale des Sports Universitaires dont il deviendra le premier Responsable jusqu’à son décès, ce vendredi 02 aout 2024. Maurice va concevoir les Jeux Universitaires de Guinée qui vont permettre aux étudiants des institutions d’enseignement supérieur du pays de s’affronter dans différentes disciplines. Du 1er au 18 mai dernier, l’événement était à sa 8e édition à Labé avec un engouement de taille. Avec Maurice, la Guinée a joué et remporté des trophées à l’international à travers les champions de ces jeux.
Dans les activités de jeunesse
Il était l’ami des jeunes. Son bureau était le lieu de rendez-vous de tous les jeunes sportifs dans les universités. Il faut le reconnaitre, Maurice a contribué à fabriquer des jeunes talents dont la Guinée peut être fière. Il était dans les mouvements associatifs. Il n’aimait pas être membre simple simple mais le chef (rire).
Cher grand frère, ton bilan est élogieux, il est énorme. Tu peux aller en paix. Ton passage sur terre n’a pas été vain, tu as laissé des traces indélébiles. Tu as vraiment marqué ton temps.
Je n’arrive pas à croire que je parle de toi au passé « Kôrô Maurice » mais je me devais de rendre ce témoignage, 15 ans plus tard. Je m’arrête la en te souhaitant de reposer en paix.
Que Dieu t’accueille dans son paradis éternel.
Antoine, ton jeune frère et ami.