Ce mardi 13 août 2024, notre observation des événements liés à l’appel à manifester a débuté au rond-point de la Cité Enco5, sur la route Le Prince à Conakry. Ce matin-là, la circulation était peu dense, et aucun dispositif de sécurité particulier n’était visible, à l’exception d’un pick-up de l’armée stationné à l’entrée de la station-service.
Cette présence militaire n’a pas laissé Oumar BALDÉ, un jeune diplômé du quartier, indifférent. « Aujourd’hui, plusieurs carrefours de la route Le Prince sont militarisés, donnant l’impression d’un pays en guerre. Cela démontre à quel point ceux qui nous gouvernent sont prêts à tout pour conserver le pouvoir. C’est regrettable », a-t-il déclaré. Il a rappelé que, suite au coup d’État du 5 septembre 2021, la junte avait pourtant démantelé les PA (Postes d’Appui) installés sous le régime d’Alpha CONDÉ sur cette même route.
La route Le Prince est tristement célèbre à Conakry pour ses manifestations spontanées. Cependant, dans une capitale où les citoyens vivent au jour le jour, certains bravent la peur pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas de Lansana CAMARA, démarcheur au rond-point de Cosa. Lui et ses collègues se débrouillent en trouvant des locataires pour les propriétaires. Leur siège se situe au carrefour de Cosa, non loin de la station Shell en direction de Koloma. Pour Lansana, il n’est pas question de participer à la manifestation. « À Conakry, suivre la ville morte, c’est synonyme de mort pour moi », a-t-il lancé en riant, avant d’expliquer que les responsabilités familiales sont lourdes et qu’il doit nourrir sa famille.
À Koloma, épicentre de la résistance contre la mauvaise gouvernance, l’atmosphère est similaire. Les forces de l’ordre sont postées à quelques mètres du pont métallique, non loin du marché. Une commerçante, propriétaire d’une boutique de vêtements, se souvient douloureusement de la perte de son fils de 19 ans en 2020, lors d’une manifestation du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), une coalition d’acteurs politiques et de la société civile créée sous le régime d’Alpha CONDÉ pour s’opposer à son projet de troisième mandat. Depuis cet incident, elle n’ouvre plus sa boutique les jours de manifestation. « Je viens simplement observer, comme aujourd’hui, pour éviter que les gens ne s’en prennent aux boutiques, mais je n’ouvre jamais quand une manifestation ou une ville morte est annoncée. Rien n’est pacifique dans ce pays. J’ai perdu un fils ce jour-là, et depuis, cela me hante. Je n’ai obtenu aucune justice », a-t-elle confié avec amertume.
Au moment de mettre en ligne ces informations, la situation reste calme entre Enco5 et Koloma.
Tamba Justin LÉNO