Les partis politiques regroupés au sein d’une coalition dite Forces vives de Guinée invitent leurs représentants à se retirer de toutes les institutions de la transition, notamment le Conseil National de la Transition(CNT). Vraisemblablement, les conseillers nationaux concernés n’entendent pas répondre à cet appel.
Précisions d’abord que dans cet article, il n’est pas question de parler du mandat des Conseillers nationaux. Juridiquement, ce débat ne se pose pas, à notre avis. Inutile d’y consacrer toute son énergie. Celui qui estime que le CNT a manqué au rendez-vous ou ne s’inscrit pas dans la ligne de sa vocation prévue dans la charte de la transition a le plein de droit de démissionner. Cette démission ne peut être résumée à la question de mandat, elle peut relever des convictions légitimes.
En effet, le refus des conseillers nationaux concernés à se retirer du CNT pourrait fragiliser leur lien avec leurs structures d’origine(I). Encore, le «divorce» survenu dans ce sens a des conséquences sur la légitimité du CNT(II).
I- Eventuelle rupture des liens entre les Conseillers nationaux et leurs structures
Habituellement en Guinée, le désaccord persistant entre un membre et les autres organes du parti sur la conduite à tenir entraîne soit l’exclusion (A) soit la démission (B).
A) Probable exclusion des conseillers nationaux ne répondant à l’invitation de leurs partis politiques
Conformément à l’article 56 de la charte, le CNT est l’organe législatif de la transition. Il fait ainsi office de parlement. Certes les conseillers nationaux ont été désignés par leurs structures pour être nommés au CNT, mais il est de principe dans l’exercice du pouvoir législatif que tout mandant impératif est nul. Ce principe est rappelé à l’article 58 alinéa 3 de la charte de la transition. Il consacre la volonté réelle des conseillers nationaux à participer aux décisions par le vote, sans contrainte. Dans l’exercice de ce droit, ils ne peuvent recevoir d’ordre de leurs structures ni d’autres entités.
Allant dans le même sens, un conseiller national ne peut pas être contraint par son parti politique à se retirer de l’organe législatif de la transition. D’ailleurs, les Forces vives dans leur communiqué publié dans ce cadre ont plutôt invité…
En l’espèce, il n y a pas de règles impératives à la disposition des partis politiques. Dès lors, toute exclusion d’un conseiller national d’un parti politique pour motif qu’il ne s’est pas retiré du CNT pourrait être contestée par le membre exclu devant les juridictions pour être réintégré. Les partis politiques sont elles-mêmes des institutions. Leur constitution, composition, modification ou changement de statut ou de membre sont régis par des règles d’ordre public, qui priment les statuts et les règlements intérieurs des partis politiques.
B) Qu’en est-il de la démission d’un Conseiller national de sa structure ?
Ni la charte ni le règlement intérieur du CNT n’a répondu à cette question. En effet, si les conseillers nationaux sont issus des structures, ils n’ont pas de compte à rendre à celles-ci. D’office de parlement, nous pouvons dire qu’ils ne représentent réellement pas ces structures à partir de leur nomination par décret, mais ils se font passer plutôt pour des représentants du peuple. Or la légitimité du CNT réside dans sa composition (II).
II-Impact du «divorce» entre un Conseiller national et sa structure sur le CNT
Le CNT n’est pas un organe dont les membres sont élus. Pour sa composition, le constituant a exigé que différentes structures y soient représentées. Le retrait de ces structures met en cause sa légitimité du CNT (A). Il est primordial que les structures concernées s’y reconnaissent. Car le CNT est un organe clé de la transition (B).
A) Un CNT non reconnu par les structures qui le composent
Ce sont des différentes structures qui constituent le CNT. Lorsque ces structures rompent le lien avec leurs conseillers nationaux, en considérant que ces derniers ont manqué à leur vocation, ou déclarent ne plus se reconnaître dans le CNT, le CNT perd sa légitimité qui découle de sa composition. Il ne faut perdre de vue cette phase. On ne parlera plus de CNT dans sa diversité d’opinions et de positionnements. A quoi sert un organe législatif qui perd sa légitimité du point de vue de sa composition, de contradictions, ou supposé appartenir exclusivement au pouvoir exécutif ?
B) Effet par contagion de l’illégitimité du Conseil national de la Transition
En tant que l’organe législatif de la transition, la perte de légitimité entraine des conséquences sur le déroulement de la transition elle-même. Le CNT est censé adopter le projet de constitution qui doit être approuvé par référendum. Une constitution entachée d’irrégularité dans son processus d’établissement pourrait être contestée pour sa légitimité et les institutions relevant de telle ne seront pas rigides.
Il est incontournable que le constituant soit légitime pour que les actes qu’il pose soit accepté de tous. Cela pourrait éviter d’autres contestations pouvant fragiliser les institutions républicaines.
Kalil Camara, Juriste