Dans son classement mondial de la liberté de la presse publié en 2025, Reporters sans frontières (RSF) tire la sonnette d’alarme sur la situation en Guinée. Classée dans la zone orange (situation difficile selon RSF) le pays dégringole à la 103e place sur 180, contre la 78e en 2024. Une chute accompagnée d’un score en forte baisse : 52,53 contre 59,97 l’an dernier. En cause, une intensification de la répression contre les médias privés et une succession d’atteintes graves à la liberté d’informer.
Depuis l’arrivée au pouvoir du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) en septembre 2021, les engagements initiaux de respecter la liberté de la presse semblent s’être effondrés. RSF dresse un constat sévère : « L’année 2024 a consolidé un tournant dans la répression de la presse privée, avec notamment la censure de médias critiques et l’enlèvement d’un journaliste toujours porté disparu », note Reporters Sans Frontières.
En mai 2024, quatre radios et deux télévisions privées ont été illégalement suspendues. Certaines faisaient déjà l’objet de brouillages réguliers depuis plusieurs mois. Parallèlement, l’accès aux sites d’informations indépendants est restreint à intervalles fréquents, rendant l’exercice du journalisme libre de plus en plus difficile.
Malgré la loi de 2010 abolissant les peines privatives de liberté pour les délits de presse, cette garantie est souvent contournée. Un journaliste a ainsi été détenu pendant six semaines avant d’être condamné à six mois de prison avec sursis en 2024. De nombreux autres ont été interpellés ou convoqués, notamment lors des vagues de répression d’octobre 2023 et janvier 2024. La loi sur l’accès à l’information publique, pourtant adoptée depuis 2020, reste quant à elle inappliquée.
Le rapport pointe également la marginalisation des médias privés au profit des médias publics, qui bénéficient d’un accès prioritaire aux activités officielles et aux budgets de communication gouvernementale. Les rares subventions octroyées aux médias privés sont jugées insuffisantes. Pire encore, la censure de plusieurs organes critiques a entraîné la résiliation de nombreux contrats publicitaires, provoquant la perte de plus de 700 emplois dans le secteur.
Les journalistes sont aussi exposés à des violences croissantes. Arrestations arbitraires, agressions, menaces et surveillance sont devenues courantes. L’année 2024 s’est tragiquement close avec l’enlèvement du journaliste Habib Marouane CAMARA par des hommes armés. Il demeure introuvable à ce jour. Les menaces de mort et les intimidations poussent certains professionnels à fuir le pays. L’impunité reste quasi totale pour les auteurs de ces actes.
Même les syndicats de presse ne sont pas épargnés : Sékou Jamal PENDESSA, secrétaire général du principal syndicat, a été emprisonné plus d’un mois pour avoir voulu organiser une manifestation en faveur de la liberté de la presse.
Ce nouveau rapport de RSF confirme que la liberté d’expression est l’une des grandes victimes de la transition guinéenne qui se dirige vers des échéances électorales cruciales.
À suivre !
Saa Joseph KADOUNO