Suite à sa condamnation pour diffamation par le Tribunal de Première Instance de Dixinn dans un procès l’opposant à Ousmane KABA du PADES (Parti des Démocrates pour l’Espoir), Alhouseyni Makanera KAKÉ, leader du Front national pour le Développement (NFD), a annoncé avoir interjeté appel. Lors d’une conférence de presse animée ce samedi 2 novembre 2024 à la Maison de la Presse, il a vivement critiqué le processus judiciaire et accusé son adversaire de contradictions, tout en posant un débat sur la transparence des contrats entre son adversaire et l’État.
Alhouseyni Makanera KAKÉ ne décolère pas. Après sa condamnation par le Tribunal de Première Instance de Dixinn pour diffamation à l’égard du leader politique Ousmane KABA, il a fait part de sa décision de contester cette décision en appel, en dénonçant plusieurs irrégularités dans le déroulement du procès. « J’ai perdu le procès, naturellement j’ai fait appel, » a-t-il déclaré, avant d’annoncer avoir également saisi le Conseil supérieur de la magistrature, estimant que les magistrats « ne sont pas au-dessus de la loi ».
La querelle entre les deux figures politiques a commencé lorsque Makanera KAKÉ a évoqué, lors d’interventions publiques dans la presse, des montants financiers substantiels que l’État aurait versés au fondateur de l’université Kofi ANNAN, Ousmane KABA, sur la base d’un rapport établi par l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Yéro BALDÉ. Makanera KAKÉ critique la réaction de son opposant : « Moi je pensais que la meilleure façon, c’est même une chance pour lui, de publier son contrat pour prouver que lui, dans cet océan des gens qui détournent, des corrompus et des corrupteurs, lui il est saint ! Il allait nous montrer la fausseté du rapport que Yéro BALDÉ a présenté parce que je n’ai rien inventé – quand j’étais au gouvernement, nous avons décidé de faire un contrôle au niveau des universités parce que c’était considéré comme une plaie béante – Yéro a fait une étude où [dans laquelle] il a démontré que le fondateur de Kofi ANNAN avait reçu un montant important de l’ordre de 300 et quelques milliards – moi je dis qu’il a reçu ce contrat, il a porté plainte contre moi pour ça.«
Les critiques d’une gestion de la justice « bancale »
Le leader du NFD a également mis en exergue ce qu’il considère comme des violations de ses droits dans le cadre du procès. Il accuse le tribunal de ne pas lui avoir fourni, dans les délais impartis, la liste des témoins et de l’avoir jugé sans avocat, une entorse grave selon lui au principe du contradictoire. « …je devait [devrais] être en possession de la liste des témoins – trois jours francs avant l’ouverture du procès si non, Ousmane KABA est débouté de toutes ses prétentions. Ça aussi, c’est la loi sur la liberté de la presse – C’est devant le juge qu’on m’a tendu [la liste des témoins], j’ai pas voulu prendre. Troisième problème, la loi dispose que le tribunal constitutionnel est tenu de statuer sur le fond un mois après la première audience. J’ai fait sept mois avant qu’elle ne statue. Quatrième problème, j’ai été empêché de me défendre. Le procureur a dit que ce n’est pas eux qui m’ont dit de ne pas prendre un avocat. Quand on sait que le principe du contradictoire c’est l’âme de la Justice – Donc, même si le ministère de l’avocat était obligatoire, ce qui n’était pas dans mon cas hein ! Mais si c’était obligatoire, les magistrats allaient me faire connaître mon droit et de me demander de prendre un avocat. Si je suis dans l’impossibilité d’assurer l’honoraire d’un avocat, l’État allait commettre d’office mais je ne serais jamais jugé sans avoir un avocat« , a-t-il affirmé.
L’ancien ministre de la communication a rappelé les bases de la dépénalisation des délits de presse, une mesure qui, d’après lui, protège également les citoyens non journalistes contre des peines pénales en cas de diffamation présumée.
« D’abord, la loi sur la liberté de la presse n’a jamais été comprise chez nous ! – Même moi au début, je ne comprenais pas parce que nous avons estimé que cette loi était venue pour protéger [uniquement] les journalistes. Ce qui n’est pas vrai ! La dépénalisation des délits de presse veut tout simplement dire : tous les délits commis par voie de presse est [sont] dépénalisés. Que ça soit un journaliste, un politicien ou n’importe quelle autre personne. Et on va plus loin : même la réparation en civil, c’est l’organe de presse qui répare – dépénalisation c’est quoi ? Cela veut dire, l’acte [l’infraction] ne tombe plus sous la sanction pénale. J’ai la décision de justice ici, une partie c’est la loi de la presse, une autre partie c’est le code pénal », a-t-il argumenté.
« Une atteinte à la transparence »
Pour Makanera KAKÉ, la poursuite engagée par Ousmane KABA pose un problème de cohérence de la part d’un homme qui prétend, selon lui, être un défenseur de la bonne gouvernance. « Je suis étonné qu’une personne qui aspire à être président de la République porte plainte contre quelqu’un parce qu’il a dit qu’il avait un contrat avec l’État, » a-t-il ironisé.
« Si la condamnation devient définitive, personne ne pourra plus oser questionner la transparence des contrats publics, » a-t-il prévenu, faisant ainsi allusion à des répercussions potentiellement néfastes pour la liberté de critique.