« J’utlise PN parce que souvent, quand les policiers t’arrêtent ils voient ça, ils vont te laisser partir… »
À Conakry, des usagers de motos non immatriculées utilisent des insignes réservés aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS) pour échapper aux contrôles routiers. Les initiales AG, PN, et GN sont souvent détournées par des civils afin de tromper les agents de la police routière. Cette pratique, largement répandue, nuit à l’efficacité des contrôles et impacte les recettes non fiscales de l’État. La police routière intensifie les vérifications pour démasquer les fraudeurs et saisir leurs engins.
A notre reporter Tamba Justin LÉNO
Exclusivement réservées aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS), les insignes AG pour Armée Guinéenne, PN pour Police nationale, ou encore GN pour Gendarmerie nationale, sont fréquemment utilisées par de nombreux détenteurs de motos à Conakry. Ce sont majoritairement des civils qui se livrent à cette pratique pour tromper l’apparence des agents de la police routière. « Dans notre travail de maintien de la sécurité routière, nous avons souvent eu à faire à beaucoup de ces cas à Conakry et même à l’intérieur du pays d’après nos confrères qui y travaillent. Nous avons découvert qu’elle permet non seulement à ceux-là qui la pratiquent d’échapper au contrôle policier mais aussi de faire trafic d’influence lors des contrôles routiers », confirme sous anonymat un agent de la police routière que nous avons approché au rond-point Enco5 sur la route le Prince. « C’est une pratique frauduleuse », a-t-il décononcé par la suite.
Alors que nous finissons à peine notre entretien avec l’agent, voilà un jeune homme de 25 ans qui arrive avec sur sa moto. Au lieu de la plaque d’immatriculation, c’est un autocollant sur lequel est écrit AG (ndlr : Armée guinéenne) qu’on aperçoit sur sa moto. Il est alors interpelé. Une discussion s’engage, mais nous n’avons pas l’autorisation de filmer. Pour se défendre, le jeune parle du diminutif de Assemblée Générale, une association au sein de laquelle il évoluerait. « Où peut-on trouver cette association à Conakry ? As-tu une preuve de ce que tu racontes ? Est-ce que votre association dont tu parles a au moins une page Facebook où on pourrait vérifier ce que tu nous dis ? », interroge l’agent au visage colérique. Face à ces questions, le jeune est resté muet tandis que l’agent tire sa conclusion : « Sans doute le mensonge du jeune civile se faisant passer pour un agent de sécurité. Tu es démasqué mon frère. Ton engin est entre les mains de la sécurité routière désormais. Tu devras t’expliquer devant l’autorité compétente« , a-t-il déclaré avant de saisir la moto du mis en cause.
Sur place, c’était du plus rien à dire pour le mis en cause qui n’avait pas non plus de pièces justificatives d’un agent de sécurité sur lui.
Comme ce jeune homme, ils sont nombreux à Conakry à avoir sur leur motos les insignes des FDS. Nous avons cherché à comprendre leurs motivations. À Sonfonia T7, un jeune s’est confié : « J’utlise PN parce que souvent, quand les policiers t’arrêtent ils voient ça, ils vont te laisser partir. J’ai tous mes papiers mais vous savez, les policiers d’ici une fois qu’ils t’arrêtent, tu vas forcément payer de l’argent. Ou [bien] si tu ne paies pas, ils vont te retarder », s’est-il justifié.
La pratique a des conséquences économiques pour l’État qui perd une partie considérable des recettes non fiscales, selon un analyste des questions économiques qui n’a pas voulu aller trop en détails, estimant que les autorités laissent faire. Les plaques d’immatriculation des motos coûtent entre 500 et 800 000 francs guinéens. Pour la combattre, le ministère des Transports a déjà fait un communiqué invitant la police routière à procéder à des contrôles rigoureux afin de démasquer ces engins et les envoyer dans le parc automobiles des Forces de Défense et de Sécurité.
Tamba Justin LENO