Du 4 au 15 novembre 2024, une Mission d’évaluation des besoins électoraux (NAM) des Nations Unies a séjourné en Guinée, pays en transition depuis le coup d’État du 5 septembre 2021. Cette mission, dirigée par Simon-Pierre NANITELAMIO, s’est penchée sur les défis politiques, sociaux et institutionnels qui entravent le processus de transition, tout en formulant des recommandations pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Des constats alarmants sur la situation politique et sociale
Dans son rapport, la NAM a dressé un tableau sombre de la situation en Guinée, caractérisée par une dégradation de la cohésion sociale et une crispation politique marquée. Les autorités militaires de la transition sont perçues comme autoritaires par une grande partie des acteurs nationaux rencontrés. Cette perception s’accompagne d’un rétrécissement de l’espace démocratique et civique, ainsi que d’un recours accru à la répression.
Les violations des droits civils, notamment la fermeture de médias privés, les arrestations arbitraires, et les disparitions forcées, ont installé un climat de peur généralisé parmi les acteurs politiques et la société civile. La dissolution de nombreux partis politiques et la suspension d’autres formations politiques ont également ravivé les inquiétudes sur la limitation de l’espace politique, autrefois brièvement rouvert après le coup d’État.
En outre, l’absence de clarté sur le calendrier de transition, le manque de consensus autour de la nouvelle constitution et les défis socio-économiques croissants exacerbent le mécontentement social. La mission a également constaté que les étapes clés du processus de transition politique demeurent inachevées.
Les recommandations de la NAM : un double engagement
Pour relever ces défis, la mission recommande une approche en deux volets, combinant engagement politique et soutien technique :
1. Engagement politique : la mission appelle à un rôle accru du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. Celui-ci devrait, avec le soutien de la Coordonnatrice résidente en Guinée, faciliter un dialogue politique inclusif entre les parties prenantes nationales. L’objectif est de créer un climat propice à la tenue d’un référendum et d’élections pacifiques.
2. Engagement technique : la mission préconise l’appui des Nations Unies à travers le déploiement d’experts pour renforcer le processus électoral. Un soutien ciblé au recensement électoral (RAVEC) et à la rédaction des lois organiques est essentiel. De plus, une assistance technique pour prévenir les conflits liés aux élections est recommandée.
La NAM insiste également sur une coordination renforcée entre les agences onusiennes et les partenaires internationaux (CEDEAO, Union africaine, OIF, UE). Cette coordination vise à garantir la cohérence des messages et des actions pour soutenir la transition.
Responsabilités nationales et mesures urgentes
Le gouvernement guinéen est invité à adopter des mesures de décrispation, telles que la clarification du calendrier de transition, la libération des détenus politiques, et la levée des restrictions sur les médias et l’espace politique. La NAM recommande également la création d’un cadre de concertation pour sensibiliser les acteurs politiques à l’importance de comportements responsables afin d’éviter des violences.
Par ailleurs, les autorités nationales sont encouragées à envisager une révision du fichier électoral ou la création d’un nouveau fichier, en vue de garantir des élections crédibles et inclusives.
Pour garantir une transition réussie, la NAM propose une réévaluation à mi-parcours après le référendum constitutionnel dont la date n’est toujours pas fixée. Cette étape permettrait d’ajuster le soutien onusien et d’assurer la mise en œuvre des recommandations.
La réussite de la transition repose désormais sur l’engagement collectif des acteurs nationaux et internationaux à œuvrer pour la stabilité et la démocratie en Guinée. Les autorités de la transition ont prévu d’organiser « toutes les élections » cette année.
Saa Joseph KADOUNO