La révision de la Constitution est une étape cruciale dans la consolidation de l’État de droit. L’avant-projet de la nouvelle Constitution et la Constitution de 2020 dissoute présentent des dispositions similaires sur certains points, mais aussi des divergences notables qui traduisent des choix politiques et institutionnels différents.
Initiative et processus de révision : Constitution de 2020
Selon l’ancienne constitution, l’initiative appartient conjointement au Président de la République et aux députés (article 152).
Le projet ou la proposition doit être adopté par l’Assemblée nationale à la majorité de ses membres pour être pris en considération.
La révision devient définitive après approbation par référendum ou, en alternative, par une majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée nationale si le Président décide de ne pas consulter la population.
Avant-projet de la Nouvelle Constitution
Selon l’Avant-projet de la nouvelle constitution, l’initiative est également partagée entre le Président de la République et les membres du Parlement (article 198).
Le processus est marqué par une annonce officielle du Président à travers un discours à la Nation.
La révision est adoptée par une majorité des deux tiers (2/3) des membres du Parlement réunis en Conseil de la Nation, suivie d’un référendum nécessitant une participation minimale de 60% des électeurs inscrits.
À noter : une pétition citoyenne peut bloquer un projet soumis uniquement au Parlement si elle recueille les signatures d’au moins 10% des citoyens inscrits sur les listes électorales.
Principal écart : l’avant-projet introduit des mécanismes participatifs comme l’obligation d’une large vulgarisation et la possibilité d’une pétition populaire. Ces deux mécanismes visent à renforcer la légitimité démocratique du processus, même si, faut-il le souligner, ça peut faire polémique étant donné que la majorité de la population guinéenne est analphabète, selon les dernières statistiques.
Conditions restrictives de révision : Constitution de 2020
Dans l’ancienne constitution, la révision est interdite en cas :
• D’occupation d’une partie ou de la totalité du territoire national.
• D’état d’urgence ou de siège (article 153).
Conditions restrictives de révision : Avant-projet de la nouvelle Constitution
Dans le projet de la future constitution, en plus des restrictions citées dans la Constitution de 2020, il est ajouté :
• L’interdiction en cas de vacance de la présidence ou d’état de guerre (article 200).
• Une interdiction générale de révision durant la dernière année d’un mandat présidentiel.
Écart notable : l’avant-projet élargit les restrictions pour garantir la stabilité institutionnelle et éviter les manipulations opportunistes. Ce que l’ancienne constitution n’avait pas prévu.
Les intangibilités : Constitution de 2020
Dans l’ancienne constitution, les principes suivants ne peuvent être révisés (article 153) :
• La forme républicaine de l’État.
• La laïcité de l’État.
• L’unicité de l’État.
• La séparation et l’équilibre des pouvoirs.
• Le pluralisme politique.
• La limitation du nombre de mandats présidentiels.
Les intangibilités : Avant-projet de la nouvelle Constitution
Les principes intangibles sont similaires mais davantage détaillés (article 199) :
• Les mêmes principes que ceux de 2020.
• Inclusion explicite du pluralisme syndical.
• Une sanction renforcée : toute atteinte à ces principes constitue un délit ou un acte de haute trahison.
Apport supplémentaire : L’avant-projet précise les sanctions et renforce la protection de ces principes contre toute tentative de révision abusive.
Particularités supplémentaires de l’avant-projet
• Règle de temporalité : Aucune disposition ne peut être révisée avant 30 ans, sauf pour harmonisation avec un traité international (article 198).
• Conséquences institutionnelles :
• Le Gouvernement doit démissionner après un référendum, quelle que soit l’issue.
• Dissolution automatique de l’Assemblée nationale après une révision par voie parlementaire.
Ces dispositions n’existent pas dans la Constitution de 2020. Cela constitue une volonté de garantir une rupture institutionnelle après toute modification majeure.
Deux visions contrastées
L’avant-projet de la nouvelle Constitution introduit des innovations démocratiques telles que la pétition citoyenne, le quorum élevé pour la participation au référendum, et des dispositions dissuasives contre les manipulations. Il met également l’accent sur la stabilité institutionnelle, avec des restrictions strictes et des sanctions renforcées. En revanche, la Constitution de 2020 est plus concise, avec des mécanismes de révision limités aux cadres traditionnels du référendum ou du Parlement. Ces écarts traduisent une évolution vers une gouvernance plus inclusive, bien que contraignante.
Nous y reviendrons !
Saa Joseph KADOUNO