Les Faits ci-dessous ont été rapportés par certains travailleurs
Le 07 janvier 2025, la Société Winning Consortium SAU (WCS) Kérouane, a dans une lettre, invité certains de ses salariés à signer le renouvellement de leurs contrats à durée déterminée (CDD) le 01 février 2025. Mais le 20 janvier, avant la date prévue pour la signature, la société se rétracte en faisant une notification de fin de contrat.
Frustrés par cet acte de leur employeur, les salariés dont des syndicats n’excluent pas une action en justice avec pour argument que la Rétraction de la société n’est motivée que par leur récente participation à une Grève.
La question essentielle qui apparait est : La société peut-elle refuser de renouveler le contrat après avoir émis une proposition de renouvellement ?
En principe, la conclusion d’un contrat est subordonnée à la liberté contractuelle. Cette liberté consacre le libre choix de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant, de renouveler ou pas un contrat. Cependant, cette liberté n’est pas sans limite. C’est pourquoi la loi interdit la discrimination et condamne la rupture ou la rétraction abusive dans la formation d’un contrat.
Pour mieux traiter le problème de droit qui est soumis à notre analyse, nous allons sans doute nous confronter à la discrimination fondée sur la grève (I) et la rétraction d’une offre (II).
I- Une fin de contrat motivée par la discrimination
Selon l’article 4 du code du travail : « la discrimination est interdite toutes ses formes. ». Cet article est complété par l’article 431.1 du code du travail qui prévoit expressément « Tous les salariés ont le droit de se mettre en grève.»
Au regard des dispositions combinées de la loi du travail, l’employeur ou son représentant ne peut prendre en considération l’appartenance ou non à un syndicat, à l’activité syndicale et à la grève licite, pour prendre des décisions concernant l’embauche, la rémunération, l’avancement, la rupture ou le renouvellement du contrat de contrat.
En l’espèce, la Société Winning Consortium a notifié la fin de contrat à durée déterminée à ses salariés dont des syndicats sans motif. Rappelons que par principe, l’employeur n’a pas l’obligation de motiver sa décision de non renouvellement de contrat, le contrat est censé prendre fin à l’échéance prévue. Sauf que selon les salariés, le refus de la société de renouveler leurs contrats est uniquement basé sur leur appartenance à l’activité du syndicat et ou à la grève.
Alors, si les salariés concernés rapportent la preuve que la société les a remerciés pour le seul motif indiqué, en prouvant que le besoin qui a nécessité leur recrutement est encore réel au sein de la société ou que la société envisage de recruter d’autres travailleurs pour le même travail, leur action en justice peut être légitimement fondée.
Par ailleurs, il se trouve que la société avait déjà émis l’offre (II) de renouveler le contrat. En l’espèce, la société sera également amenée à motiver sa rétraction ou sa décision de non renouvellement. C’est ce qui fera l’objet de notre deuxième titre.
La discrimination dans le cadre du travail constitue à la foi une faute pénale et civile de la part de l’employeur et ouvre droit à des dommages et intérêts pour les salariés victimes. C’est une somme d’argent conséquente en fonction de l’atteinte allouée aux victimes pour la réparation du préjudice qui leur a été causé par l’agissement de l’employeur. Ces préjudices peuvent être une perte de chance à l’emploi, la déception suite à l’espoir sapé par la société, le chômage etc (sous l’appréciation souveraine du juge).
II- La rétraction de WCS après une notification de renouvellement de contrat
Le contrat de travail n’échappe pas aux règles générales du contrat sous réserve des règles particulières. Sur la section consacrée au mécanisme de formation du contrat, l’article 1073 du code civil dispose : « Le contrat se forme par une offre ou une pollicitation suivie d’une acceptation ».
(Ah Nous nous croyions entre juristes. LOL ! Il faut expliquer aux profanes en droit de manière simple).
L’Offre ou la pollicitation est une proposition de contrat faite par une partie appelée offrant ou pollicitant à une autre personne qui en est bénéficiaire. Après la proposition (c’est ce que vous connaissez), le contrat se forme si le bénéficiaire l’accepte.
En ce qui concerne la révocation d’une proposition de contrat, la loi est ferme. L’article 1075 du code civil énonce : « Le pollicitant peut rétracter l’offre tant qu’elle n’a pas été acceptée ». Alinéa 2 rajoute : « Cependant lorsqu’un délai a été fixée pour l’acceptation ou que ce délai résulte des circonstances, la révocation de l’offre ne peut intervenir avant qu’il ne soit expiré ».
Il résulte des dispositions suscitées qu’après avoir émis une offre, le pollicitant ne peut se rétracter qu’avant que le bénéficiaire ne l’accepte ou, s’il y a un délai, qu’après l’expiration de ce délai sans que le bénéficiaire ne l’accepte.
En l’espèce, le 07 janvier 2025, la société avait, dans une lettre, clairement invité ses travailleurs pour la signature de leur contrat le 01 février de la même année (délai fixée pour l’acceptation). Il s’agissait bel et bien d’une proposition de renouvellement de contrat, d’où une offre. Une autre lettre de non renouvellement est évidemment une rétraction.
Il parait d’ailleurs évident que la société s’est rétractée avant le délai fixée pour l’acception, d’où une rétraction abusive.
Par conséquent, les travailleurs ayant reçu la notification de renouvellement (proposition) de contrat peuvent agir contre la société sur la base de ce fondement.
La rétraction d’une offre constitue une faute précontractuelle. Il n’y a pas d’obligation de conclure un contrat, mais la rupture ou la rétraction abusive ouvre droit à des dommages et intérêts. Les salariés victimes peuvent engager la responsabilité de la société Winning Consortium sur la base de l’article 1122 du code civil, en établissant le préjudice que leur a causé l’agissement del ’employeur.
Kalil Camara, Juriste d’affaires