La nomination de Toumba DIAKITÉ à la tête d’un parti politique alimente les débats en Guinée. Selon la législation en vigueur, il serait difficile pour une personne condamnée de se porter candidate à une élection, surtout dans le cas de Toumba, reconnu coupable de « crimes contre l’humanité ». En ce sens, Sadjo BARRY, président du Bloc des Acteurs pour la Guinée (BAG), estime que la création de ce parti politique est inutile.
Aboubacar Sidiki DIAKITÉ dit « Toumba », l’un des condamnés les plus célèbres du procès des événements tragiques du 28 septembre 2009, tente de capitaliser sur la popularité acquise durant le procès pour se lancer en politique. C’est dans ce cadre qu’il a créé son propre parti. Cependant, la législation guinéenne interdit à toute personne condamnée de se présenter à une élection présidentielle, sauf en cas d’amnistie. C’est pourquoi Sadjo BARRY pense que la politique ne servira à rien pour l’ancien aide de camp de Moussa Dadis CAMARA et lui conseille plutôt de se tourner vers l’humanitaire.
« Toumba a effectivement gagné en popularité à travers ce procès, c’est un homme éloquent. Cependant, en tant qu’officier sous le régime de transition, il a été condamné. Je ne pense pas qu’une personne condamnée pour crimes contre l’humanité, même si cette condamnation est juridiquement validée, puisse être éligible à une élection. À la place de Toumba, j’aurais plutôt créé un mouvement humanitaire, un mouvement pour venir en aide aux victimes de violences et d’injustice. Cela lui permettrait d’avoir une plus grande envergure et une carrière nationale. Mais créer un parti politique, en quoi cela peut-il lui être utile à ce stade ? » a déclaré Sadjo BARRY.
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Contacté par téléphone, Maître Paul Yomba KOUROUMA, avocat de Toumba, a confirmé l’existence du parti politique de son client et affirmé que les démarches avancent à grands pas.
La décision de Toumba de créer un parti politique semble aller à contre-courant des réalités juridiques qui lui barrent la route, rendant son ambition électorale presque illusoire. Le code Pénal guinéen dispose en son article 21 ce qui suit : « La dégradation civique est une peine accessoire de toute peine criminelle.
Elle consiste :
1 – Dans la destitution et I’exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics ;
2 – Dans la privation du droit de vote, d’éligibilité et en général de tous les droits civiques et politiques et du droit de porter toute décoration ;
3 – Dans l’incapacité d’être Juré ou expert, d’être témoin sauf pour donner en Justice de simples renseignements ; 4- Dans I’incapacité de faire partie d’un Conseil de famille et d’être tuteur, subrogé tuteur, curateur ou Conseil judiciaire si ce n’est de ses propres enfants et sur l’avis conforme de la famille ;
5- Dans la privation du droit de port ou de détention d’armes, de servir dans la Gendarmerie nationale, dans la Police, dans la Douane, dans le corps des Sapeurs- pompiers, de la Garde Républicaine et dans les Forces Armées et en général de participer à un service public quelconque, de tenir école ou d’enseigner et d’être employé dans aucun établissement d’instruction à titre de professeur, maître ou surveillant. »
Mais au-delà de la légalité, c’est la question de l’image et de la rédemption publique qui se pose : en choisissant de s’engager en politique plutôt que dans l’humanitaire, l’ancien aide de camp de Moussa Dadis CAMARA ne risque-t-il pas de diviser davantage une opinion publique déjà méfiante, plutôt que de se reconstruire une stature morale auprès des Guinéens ? Seul l’avenir dira si ce pari politique s’avère payant, ou s’il conduit à une impasse.
Mamadou Mouctar SYLLA