L’avant-projet de la nouvelle Constitution guinéenne veut lutter contre les malversations des hauts dirigeants en introduisant la « Cour spéciale de Justice de la République ». Ce mécanisme, prévu dans les articles 163 et suivants du Sous-titre IV, permettra de juger le Président de la République, le Premier ministre et les membres du gouvernement pour des « crimes » ou « délits » liés à leurs fonctions, renforçant ainsi la redevabilité au sommet de l’État. Une question se pose toutefois : le Général Mamadi Doumbouya, président de la transition, pourra-t-il être poursuivi devant cette juridiction pour parjure ou violation du serment, s’il décide de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle malgré son engagement contraire ? Dans un entretien exclusif accordé à Guineepanorama.com ce samedi 30 novembre 2024, le juriste Kalil CAMARA a apporté des précisions juridiques cruciales.
Selon le juriste Kalil CAMARA, certaines violations, comme le parjure ou la candidature de Mamadi DOUMBOUYA, ne seraient pas passibles de poursuites. « Les lois ne sont faites que pour l’avenir. Une loi élaborée aujourd’hui ne peut s’appliquer qu’après son entrée en vigueur et pour des faits postérieurs à celle-ci. Lorsqu’on parle de la violation de serment, définie de manière assez vague dans l’avant-projet de Constitution, certains faits pourraient permettre de poursuivre et condamner le président dans le futur, mais pas tous. »
En conséquence, le juriste écarte la possibilité que le président de la transition puisse être poursuivi par la future juridiction spéciale. « Certains engagements prévus par la Charte de transition, comme l’interdiction pour le président de la transition de se porter candidat aux prochaines élections, ne peuvent pas l’engager juridiquement. Si Mamadi Doumbouya viole cet engagement en se portant candidat, il ne pourra ni être poursuivi ni condamné par la Cour de Justice de la République. Le simple fait de candidater ne constitue pas une infraction au sens des articles prévus. Il ne peut être poursuivi par la nouvelle cour que s’il est reconnu auteur, coauteur ou complices des crimes ou délits. Or violer le serment dans la charte ne constitue ni un délit ni un crime. »
L’interprétation de Kalil CAMARA montre clairement une subtilité juridique : bien que la Cour spéciale de Justice de la République renforce la lutte contre les abus de pouvoir, elle ne semble pas conçue pour sanctionner tous les types de violations, en particulier celles liées à des engagements pris dans le cadre de la transition. Cela ouvre un débat sur l’étendue réelle de la redevabilité des dirigeants en transition.
Aly Pires CAMARA