La Guinée, terre d’histoire et de richesses culturelles, est aussi marquée par des fractures mémorielles profondes. De la période coloniale aux régimes successifs de post-indépendance, les violences, répressions et abus de pouvoir ont laissé des plaies vives dans la conscience collective du pays. Alors que certains appellent à une guerre de mémoire, une surenchère mémorielle visant à juger le passé avec les lunettes du présent, il est impératif pour la Guinée d’adopter une politique réfléchie d’évacuation responsable de ses traumatismes historiques. Car la guerre de mémoire, si elle n’est pas maîtrisée, pourrait enflammer les tensions et rendre plus difficile la construction d’une Guinée unie.
La mémoire, un terrain fragile
La mémoire collective guinéenne est un terrain sensible. Chaque période de son histoire, qu’il s’agisse de l’époque coloniale, des premières années de l’indépendance sous Sékou Touré, ou des régimes militaires successifs, est chargée de récits divergents. Ces récits, portés par des communautés ou des groupes politiques, sont souvent antagonistes. Pourtant, la Guinée ne peut se permettre de perpétuer la division en entretenant une vision manichéenne de son histoire.
Une guerre de mémoire risquerait de cristalliser des rancœurs et des rivalités qui, au lieu de guérir, envenimeront davantage les relations entre les différentes composantes de la société guinéenne. Les blessures laissées par la répression politique, les violences ethniques et les abus des différents régimes sont encore ouvertes, et il est tentant pour certains acteurs de politique politicienne de les exploiter pour servir des intérêts immédiats.
Évacuer les fractures mémorielles, mais de manière responsable
Plutôt que de raviver ces querelles mémorielles, il est crucial de mettre en place une politique d’évacuation responsable des fractures du passé. Une telle politique ne se contenterait pas de masquer ou d’effacer les souvenirs douloureux, mais elle permettrait d’offrir des cadres de dialogue, de réconciliation et de justice. Il s’agit d’une démarche active et volontaire de la part de l’État, des organisations civiles et des citoyens.
La Commission Vérité, Justice et Réconciliation mise en place dans certains pays est un modèle qui pourrait inspirer la Guinée. Elle permet de reconnaître les souffrances, de faire la lumière sur les événements tragiques tout en favorisant un apaisement collectif. Mais une telle commission, pour être efficace, doit être indépendante, inclusive et transparente. Elle doit être un lieu où toutes les voix, des plus puissantes aux plus vulnérables, peuvent être entendues sans crainte de représailles.
Éducation et transmission : des piliers pour l’avenir
Un autre aspect fondamental de cette politique d’évacuation mémorielle est l’éducation. Une révision des programmes scolaires qui inclurait un traitement honnête et équilibré de l’histoire guinéenne serait un outil puissant pour guérir les fractures. Il est important que les nouvelles générations comprennent l’histoire dans toute sa complexité, sans qu’elle soit réduite à un instrument de division. Les jeunes Guinéens doivent apprendre non seulement les événements marquants, mais aussi les leçons de tolérance, de résilience et de paix que l’histoire peut enseigner.
Vers une politique d’apaisement national
Enfin, il est essentiel de promouvoir des initiatives locales et nationales qui permettent de dépasser les logiques de confrontation. Le dialogue intercommunautaire, la création de lieux de mémoire partagés, et les initiatives culturelles peuvent aider à forger un avenir commun. La culture, en tant que vecteur d’unité et de réconciliation, doit jouer un rôle de premier plan dans ce processus. Des événements qui mettent en avant les diversités culturelles guinéennes tout en soulignant l’unité nationale peuvent être des instruments précieux pour apaiser les tensions mémorielles.
La Guinée, comme beaucoup d’autres nations, porte en elle des cicatrices profondes de son passé. Mais ce passé, s’il est confronté de manière intelligente et responsable, peut devenir un socle sur lequel bâtir une nouvelle société, plus juste et plus inclusive. La guerre de mémoire est une impasse ; la réconciliation, par une politique d’évacuation responsable des fractures mémorielles, est la voie vers la paix.
La Guinée a le potentiel de montrer au monde qu’un pays peut affronter son passé tout en construisant un avenir collectif et pacifié. Mais cela nécessitera du courage, de la volonté politique et une participation active de tous les acteurs de la société guinéenne. Ensemble, nous pouvons transformer les fractures en ponts et les mémoires douloureuses en leçons de résilience pour les générations à venir.
Soninké Diané
Citoyen
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