À 48 heures du verdict attendu, le collectif des avocats de l’ancien Premier ministre guinéen, Ibrahima Kassory FOFANA, a publié un communiqué accablant. Ils dénoncent des irrégularités judiciaires dans la procédure engagée contre leur client devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Ils qualifient le procès de « parodie de justice » et dénoncent des pressions politiques pesant sur la procédure.
Une arrestation jugée abusive
D’après ses avocats, l’ancien chef du gouvernement a été placé sous mandat de dépôt le 6 avril 2022, sous le prétexte d’un flagrant délit, alors qu’il avait quitté ses fonctions six mois auparavant. Ce mandat aurait été émis sans fondement légal, et la chambre de l’instruction, saisie ultérieurement, n’a pas validé cette décision en raison de son irrégularité.
Le collectif dénonce également la violation des délais légaux. « Toute personne arrêtée en flagrant délit doit être présentée devant une juridiction compétente sous 72 heures », rappellent-ils, affirmant que leur client aurait dû être libéré avant toute autre procédure judiciaire.
Des accusations non étayées
Selon le communiqué, l’accusation a avancé, lors de la première comparution en mai 2022, des soupçons de détournement de 46 millions de dollars et la possession de divers biens immobiliers. Pourtant, ces accusations auraient été rapidement démontées faute de preuves. La chambre de l’instruction aurait alors ordonné la libération de Kassory FOFANA, une décision confirmée par la chambre de contrôle. Mais, contre toute attente, le procureur spécial s’est pourvu devant la Cour suprême, qui a annulé cette libération, maintenant ainsi l’ex-Premier ministre en détention.
Le collectif évoque également l’apparition tardive d’un nouveau chef d’accusation portant sur un détournement présumé de 15 milliards de francs guinéens, qui ne figurait pas dans l’instruction initiale. Pour eux, cette évolution de l’affaire est le résultat de pressions politiques.
Un non-respect des décisions judiciaires et internationales
Les avocats dénoncent le refus persistant du parquet spécial d’exécuter plusieurs décisions de libération provisoire de leur client. Ils rappellent que la Cour de justice de la CEDEAO a ordonné sa libération immédiate et le paiement de dommages pour la détention prolongée jugée abusive, une décision qui reste pourtant lettre morte.
Un état de santé préoccupant
Hospitalisé depuis deux ans, Ibrahima Kassory FOFANA souffrirait d’un état de santé critique, attesté par plusieurs rapports médicaux recommandant une évacuation sanitaire. Le 11 décembre 2024, la chambre de jugement de la CRIEF avait ordonné son évacuation, mais le procureur spécial s’y serait catégoriquement opposé. Plus grave encore, selon les avocats, le magistrat ayant rendu cette décision a été récusé et remplacé dans des conditions controversées.
Mais pour la Cour, Kassory a simulé cette maladie pour ne pas faire face à la justice nationale.
Une justice sous pression ?
Le collectif affirme que plusieurs magistrats ayant pris des décisions en faveur de Kassory FOFANA ont été écartés de la CRIEF. Il pointe du doigt une accélération soudaine de la procédure, révélée par la presse internationale : « des instructions ont été données pour programmer une audience en urgence le 31 décembre 2024, précipitant l’ouverture du procès au mépris des décisions judiciaires antérieures ».
À la veille du verdict du 13 février, le collectif des avocats appelle les autorités judiciaires à « faire preuve de décence et de professionnalisme », et exhorte le gouvernement à garantir une justice impartiale et respectueuse des droits fondamentaux. Lors de la dernière audience, la défense de Kassory avait refusé de plaider, estimant n’avoir pas confiance en la cour et connaissant déjà le sort de son client.
Pour rappel, la Cour de la CRIEF a requis cinq ans de prison contre l’ancien Premier ministre.
Saa Joseph KADOUNO